Poème : Thiers et le faubourg du Moutier, en 1873.

 Le faubourg du Moutier.

CPA Thiers, Le Moutier
CPA Thiers, Le Moutier


Comme tout vieux rentier,
Ennuyé de rien faire, 
Au faubourg du Moutier
J'allai pour me distraire.

J'entrai dans le faubourg
Par sa vieille barrière, 
J'allais faire le tour
De son vieux cimetière.

Car ce lieu de respect
Et sa vieille muraille
Représentent l'aspect
D'un vieux champ de bataille.

Mais ce qui fait d'abord
L'objet de vos regards
On voit les os de mort
Semés de toutes parts.

Puis tout en avançant
Que vois-je dans un coin
C'est un petit enfant
Qui faisait son besoin.

J'avançai plus avant
Partout même besogne,
C'est un gros chien grognant
Traînant une charogne.

Messieurs, ce que je dis
C'est avec réflexion,
Car j'en ai ressenti
Certaine indignation.

Enfin c'est un détail
Qui blesse la famille,
C'est que le grand portail
N'a ni porte ni grille.

Enfin juge, mon cher,
Pour les morts, quel ouvrage,
Un cimetière ouvert
A la bête sauvage.

Enfin, sans m'arrêter
Il faut que je le dise,
J'ai voulu visiter
La beauté de l'église.

C'est un beau monument,
L'intérieur est trop nu
Puis il est franchement
Trop mal entretenu.

Près de ce monument,
Sur une vaste place,
J'allais me promenant
En parcourir l'espace.
 
O grand Dieu quel tableau
Quand on vient du Belin
La beauté du château
Et son petit moulin.

Où jamais le coquin
N'a chargé la charrette
Où jamais l'arlequin
N'a maltraité la bête.

Je voyais couler l'eau
Près d'un portail ouvert,
J'entendais le marteau,
Résonner le fer.
 
C'est là que l'industrie
Est venu s'introduire,
C'est là que le génie
A fondé son Empire.

C'est le grand atelier, 
Berceau de l'industrie
Où toujours l'ouvrier
A bien gagné sa vie.

Passez le premier pont
Puis regardez à gauche,
Voyez cette maison
Où jamais la débauche.

Le crime, l'infâmie, 
N'osât s'approcher d'elle,
C'est l'âme du génie,
C'est le rouet modèle.

Traversant le faubourg
Voyez sa tannerie
Entendez le bruit sourd
De sa papeterie.

Par leur activité
Et leur travail d'abord
Elles ont mérité
Plusieurs médailles d'or.

Voyez ce beau moulin
Qui touche la barrière
Et puis son beau jardin
Au bord de la rivière.

Où jamais le trompeur
N'a servi pour valet
Où jamais le voleur
N'a chargé le mulet.
CPA Thiers, Le pont du Moutier
CPA Thiers, Le pont du Moutier

En traversant le pont
Le voyageur remarque,
Une vieille maison
En forme d'une barque.

Car ce vieux bâtiment, 
Je me tue de le dire,
Masque complètement
La place du Navire.

Le passant dit c'est bon,
C'est gens n'ont pas de goût,
Cela n'est pas un pont,
C'est un vrai casse-cou.

Si vous voulez le soir
Passer la passerelle
Si le temps est trop noir
Prenez une chandelle.

Car c'est bien malheureux,
Quoi qu'on l'a réparé
Qu'un lieu si dangereux
Soit si mal éclairé.

Comme le grand chemin
N'a ni mur ni barrière
Vous pourriez bien enfin
Tomber dans la rivière.

Parlez en à celui
Qui connaît le faubourg
Vous vous diriez la nuit
Renfermé dans un four.

L'égoïste s'efface
Refuse son concours.
Le poète le passe
La nuit comme le jour.

A ce que je vous dit
Faites bien réflexion,
Sa femme le jeudi
Vient à la provision.

Pour acheter du veau,
Du beurre du fromage,
Quelle tombe dans l'eau
Ca n'est pas bien dommage.

Vous qui avez toujours
L'amour de la patrie,
Respectez ce faubourg,
Berceau de l'industrie.

Mais combien c'est frappant,
J'avais peine à le croire
C'est que ses habitants
N'ont pas de l'eau pour boire.

Je tiens de bonne main,
Par une boulangère,
Qu'on pétrissait le pain,
De l'eau de la rivière.

Grand Dieu du haut des cieux,
Tu vois ce qui se passe,
Quand de tes propres yeux
Tu mesures l'espace.

D'un faubourg tout en deuil
Ecoute la prière,
Et puis donne un coup d'œil
Sur notre cimetière.

Eh bien, depuis vingt ans
Sous un malheureux règne, 
Nous étions cependant
Tous à la même enseigne.

Au nom de l'empereur
Tout avait déserté,
La justice, l'honneur,
Même la vérité.

Oh règne des tyrans,
Bâtisseurs de bastilles, 
Ont arraché les gens,
Au sein de leurs familles.

Ils étaient condamnés
Par des cœurs corrompus
Puis ont les a entrainés
On ne les voyait plus.

L'empire recevait
Bien nos contributions, 
Pour nous il ne faisait
Point de réparations.

Nous tenons ces propos,
Car c'est de l'infamie,
Nous payons nos impôts,
Nous servons la patrie.

Eh bien, pendant vingt ans
Le faiseur des victimes
A trouvé des tyrans
Pour applaudir ses crimes.

Ils se sont élevés
Aux sales habitudes,
Ils en ont conservés
Toutes les platitudes.

Le temps a bien changé,
Changeons de politique,
Eloignons l'étranger
Servons la République.

L'homme ne fera plus
Abus de son pouvoir
Chacun bien entendu
Remplira son devoir.

Ne nous occupons pas
Des affaires étrangères,
Mais pensons qu'ici bas
Tous les hommes sont frères.

Pendant toute la nuit
J'ai bien fait réflexion,
Je m'adresse aujourd'hui
A l'administration.

Je ne suis pas bachelier
Quelques fois je me trompe,
Mais je viens pour le Moutier,
Demander une pompe.

C'est de peu d'entretien,
Vous me rendrez justice,
La ville voudra bien
Faire ce sacrifice.


Sources :Texte : Couze, Thiers, la Franc-Maçonnerie, chansons, 1873. Cartes postales anciennes de l'Auvergne, ©, recherches, albums photos collections et documentation de Regards et Vie d'Auvergne, le blog. N'hésitez pas à laisser un commentaire au bas des articles et partager. Merci de votre visite et à bientôt. 


Commentaires

  1. Poème très intéressant sur le bas de la ville de Thiers à la fin du XIXème siècle. Thiers a toujours eu tout au long de son histoire un problème avec l'entretien de son bâti et de son patrimoine... c'est fort dommage quand on voit la quantité incroyable du patrimoine historique de valeur que possède cette ville unique.

    RépondreSupprimer
  2. Excellant reflet du Moutier à cette époque, quartier toujours inondé, étant le réceptacle des eaux propres ou souillées dévalant à toute allure de la ville haute où logeaient les notables.
    Très bien
    Merci

    RépondreSupprimer

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