Vieux Auvergnats.
"Pauris éfants", disaient les vieux
Les vieux du temps de ma jeunesse
En se rappelant soucieux
Quelque printanière prouesse
Nous avons vécu avant vous,
Et notre avis est unanime,
Tsen vegne vieux pa massa d’ime.
(Il faut venir vieux pour amasser de l'esprit)
Jadis, nous étions beaux garçons,
Bien plantés, droits comme des quilles,
Ayant, nous le reconnaissons,
Ce qu’il fallait pour plaire aux filles
Mais en ce temps nos privautés
S’en tinrent aux bécots. J’estime
Que ce fut grande naïveté
Tsen vegne vieux pa massa d’ime.
(Il faut venir vieux pour amasser de l'esprit)
Jeunes corps souples parfumés,
Chair de la femme, chair divine,
Combien nous vous eussions aimés !
Charmante beauté féminine
Ah ! vous étiez alors un met
Qu’on eut payé d’un prix ultime,
Nous n’en eûmes que le fumet.
Tsen vegne vieux pa massa d’ime.
(Il faut venir vieux pour amasser de l'esprit)
Terriens et simples paysans
Petit métier bien peu prospère,
Nous vécûmes aux champs, faisant
Ce qu’avant nous, firent nos pères.
Nous fûmes ces agriculteurs
Dont le rôle est dit-on sublime
Mais bien peu rémunérateur
Tsen vegne vieux pa massa d’ime.
(Il faut venir vieux pour amasser de l'esprit)
Nous avons creusé le sillon
Où pousse la moisson nouvelle,
Que l’on récoltera si l’on
N’a point d’orages, point de grêle.
Car bien souvent le mauvais temps
Sur nos produits lève la dîme,
Frustrant les pauvres, mal-contents
Ceux dont on dit qu’ils n’ont pas « d’ime ».
Pendant ce temps, les débrouillards,
Toujours les mêmes à l’arrière !
Ont réussi, heureux gaillards
A faire brillante carrière…
Aujourd’hui, connus et côtés,
Pas comme nous, foule anonyme,
Sont fonctionnaires, députés,
Tsen vegne vieux pa massa d’ime.
(Il faut venir vieux pour amasser de l'esprit)
"Quo vo dire pauris éfants
Que dien le banquet de lo vido
Ma l’autris ayant se et fouan
S’in faut pas n’a le vintre veïde
Ma tira lou meilloux mourceaux
Ama quo bono est légitime
Autramin nous traitouns de sots
E diezon que nous n’avions pas d’ime".
Traduction :
Ca veut dire, pauvre enfant,
Que dans le banquet de la vie,
Comme les autres ayant soif et faim,
Faut pas sortir le ventre vide
Mais tirer les meilleurs morceaux
Aimer ce qui est bon et légitime
Sinon on nous traite de sots
On dit que nous n’avons pas d’esprit.
Sources : L’Auvergne Littéraire et Artistique 1933, Clément Courmier, Gallica
© Alain-Michel, Regards et Vie d'Auvergne.
Le blog de ceux qui aiment l'Auvergne, et de ceux qui ne la connaissent pas.
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