Riom Puy-de-Dôme, porte ancienne.

La peste noire à Riom en 1631, chapitre 1.



   Riom était divisé en quatre quartiers : Lepoux, Saint-Amable, Saint-Jean, et Négueperse, sous la direction de quatre capitaines chargés de faire respecter les lois de police et de salubrité. Pour rendre la surveillance plus efficace, on avait subdivisé la ville en trente sections administrées par un certain nombre de notables habitants, qui prirent le titre de " Commissaires de santé ", ils avaient sous leur direction des " Commissaires de rues ".       Une délibération du conseil fixa leurs attributions d'abord mal définies. Chaque matin, ils devaient se rendre à la maison du " Saint-Esprit " afin d'y rapporter, y est-il dit, les mendiants qu'ils sauront dans les
rues de leur commission, ensemble les pourceaux qui y sont entretenus. De plus il leur était enjoint de fournir un état de toutes les personnes malades dans leur section. Enfin les médecins, chirurgiens et apothicaires prêtèrent serment solennel entre les mains des Consuls de révéler les noms des habitants atteints de la peste.

   Cependant le fléau avait envahi le cœur de la ville. Le 1 er juin, on avait appris au conseil que la femme du greffier Chaduc, demeurant près du Palais, était atteinte ainsi que plusieurs personnes habitant le quartier Saint-Jean. Le lendemain et les jours suivants la maladie se propageait avec une rapidité effrayante.


   Tout d'abord on se contenta de défendre aux pestiférés de quitter leurs maisons, mais cette prohibition resta sans effet, ou tout au moins fut mal observée. Le conseil décida alors que les pestiférés ainsi que les personnes résidant avec eux dans la même maison y seraient enfermés à clef en attendant le "progrès". Le "progrès", hélas ! Était la mort pour les pauvres malades et pour ceux qu'on condamnait ainsi à vivre sans cesse près d'eux. Le jour même de cette décision et avant sa publication, le sieur "Mary", tanneur fut enfermé dans sa demeure, avec sa femme, ses cinq enfants, sa mère, et onze ouvriers qui logeaient chez lui. Les soldats de santé étaient chargés de veiller à la stricte observation de l'ordonnance, et les voisins surexcités par la crainte de la contagion se seraient livrés aux dernières violences contre les malades assez hardis pour sortir de ces tombes anticipées.


   Ces mesures furent bientôt réglementées et rendues générales. Il fut décidé que :


 " Toutes les maisons prises de mal seraient cadenassées et qu'il serait fait défense à leurs habitants d'en sortir ou de communiquer avec ceux du dehors".

 Pour assurer l’exécution de la nouvelle ordonnance, le conseil nomma un capitaine de santé avec deux hallebardiers et deux estafiers sous ses ordres. Il désigna un boulanger et un boucher de santé, un serrurier spécial fut nommé pour poser les cadenas et ferrements nécessaires.

   Dès qu'une maison était signalée, le capitaine de santé s'y rendait avec un chirurgien et constatait le nombre des personnes malades. Il recherchait le nom de ceux qui y avaient demeuré depuis quarante jours et les contraignait à y rentrer "comme pouvant être infestés" puis on apposait des ferrements aux portes et aux fenêtres du rez-de-chaussée. Dès lors, les habitants de la maison étaient comme retranchés de la vie. Ils ne pouvaient correspondre avec personne, excepté avec le boulanger et le boucher qui, chaque matin avant le jour, leur faisaient passer par une fenêtre les vivres indispensables.


   La ville présentait un aspect morne et sinistre. Les rues étaient presque désertes, les boutiques fermées, les marchés à peine fournis, de temps à autre, un médecin passait, apportant quelques médicaments, mais sans pénétrer près du malade. Seuls, les capucins bravaient le fléau, munis de longues échelles, ils escaladaient les fenêtres pour donner aux pestiférés les derniers sacrements, les soldats du guet parcouraient la cité jour et nuit, l'arquebuse au poing. De loin en loin, on rencontrait une maison hermétiquement close, sur la porte d'entrée une croix blanche, à chaque ouverture un cadenas dont la serrure était bouchée par le cachet de cire verte des Consuls, chacun s'écartait avec effroi comme devant l'image vivante de la peste.

Hippolyte Gomot.



Autre article de ce blog  sur le même sujet : La procession vers notre Dame de Marsat chapitre 2

La peste noire de Riom, chapitre 3

La peste noire de Riom, chapitre 4.




Sources : Texte extrait de : La peste noire, par Hippolyte Gomot 1874.
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