Un dîner presque parfait.

  

  Du temps des premiers Rois de la race des Mérovingiens

 et selon Grégoire de Tours (1) voici une description d’un repas où il se passa des choses extraordinaires.

Mérovingienne.
Mérovingienne.
    Dans le siècle de ce seul historien des Français, on voyait quelquefois, dans une famille, le mari et la femme qui étaient de religion différente.
   En effet, dans une ville qui n’est point nommée, il y avait une famille dont le maître était hérétique et la femme, fort bonne Catholique.
    Un saint prêtre ayant rendu visite à cette dernière, elle en fut si charmée, qu’elle voulut le retenir à dîner
; mais, comme elle craignait la mauvaise humeur de son mari, elle le pria, avec des termes très gracieux, de vouloir bien, dans cette occasion, ne point oublier ses manières polies à l’égard d’un homme qui s’était donné la peine de la venir voir.
Faites-lui, je vous prie, ajouta-t-elle, bonne chère et bonne mine. »
Comme il lui promettait qu’elle serait contente de lui, arriva un prêtre hérétique dont la vue surprit si agréablement le mari, qu’il dit à sa femme, avec un air gai :
-« Nous devons doublement nous réjouir, puisque nous avons chez nous ce que nous pouvions souhaiter tous les deux… ! »
   On se mit à table. Ils étaient quatre, rangés de cette manière : le mari occupait le côté droit avec son prêtre hérétique, et, du côté gauche, était le prêtre Catholique, tous les trois assis sur des lits, et la femme assise sur une espèce d’escabelle, à côté de son ami. 
Le mari, qui avait aussi auprès de lui son ami, lui dit tout bas :
-« il ne tient qu’à nous de nous bien réjouir aujourd’hui aux dépens de ce bon Catholique Romain. Nous pourrons l’empêcher de manger, si vous voulez…Vous n’avez qu’à faire le signe de croix sur chaque mets, dès qu’il paraîtra ; il n’osera, après cela, y toucher, et nous nous divertirons en bien mangeant, tandis qu’il fera une figure bien triste, ne goûtant de rien de tout ce qui sera servi… ! »
   L’hérétique applaudit à la proposition de son hôte. On sert le potage ; l’arien y donna aussitôt sa bénédiction et en mit sur son assiette. La femme, outrée de voir traiter avec tant d’indignité un homme qu’elle considérait beaucoup, dit à son mari :
-« Ne continue pas de me désobliger d’une si cruelle manière ! »
   Ces mots arrêtèrent pour quelque temps l’insolence de l’hérétique. On servit d’un mets dont le prêtre Catholique mangea. L’arien recommença ses bénédictions au troisième et au quatrième service. Enfin, on apporta dans une espèce de terrine un ragoût tout bouillant qui avait autour des œufs coupés par quartier sur lesquels on avait jeté un peu de farine, des dattes et des olives. A la vue d’un mets si bon, l’hérétique se hâta non seulement de le bénir, mais d’en manger. Le tour qu’il voulait faire au Catholique l’empêchant d’apercevoir que ce qu’on venait de servir était extrêmement chaud, il en prend vite avec sa cuillère, la porte toute pleine dans sa bouche et l’avale avec précipitation.
   Sa malice ne fut pas longtemps sans être punie, la chaleur lui brûla l’estomac avec tant de violence, qu’il rendit sur-le-champ l’esprit, à table, d’où on le porta…au tombeau !



1) Grégoire de Tours, historien né à Riom, vers 539 et mort en 594 à Tours, d’abord Diacre de Saint-Justin de Brioude puis évêque de Tours.


Sources: Histoire d'Auvergne, Pierre Audigier,
               © Alain-Michel, Regards et Vie d'Auvergne.
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