Propos de Pâques.

CPA Joyeuses Pâques
Joyeuses Pâques.
Voici, chers lecteurs et lectrices, à l'occasion des fêtes de Pâques, un texte de Jacques Abeille, paru dans la Journal de Vichy de 1912; Bonne lecture, et Joyeuses Pâques...

  "  A l'orée d'Avril, voici Pâques, la fête carillonnante et ensoleillée du printemps.
  Un législateur proposa jadis, d'ailleurs sans succès, de remplacer les fêtes religieuses légalement chômées, par des fêtes civiques destinées à célébrer des évènements ou des dates mémorables. C'est ainsi que Pâques serait devenue la fête de la Jeunesse ou la fête du Printemps. 
   Que les législateurs ménagent leur peine ! Pâques est et sera toujours la date de la résurrection universelle, le fête de la joie, de l'Amour et du soleil, quelles que soient les transformations de la légende à travers les siècles, nul n'empêchera violettes et lilas de s'épanouir, les fiancés de s'aimer, et toute la Nature de tressaillir aux premières brises du Renouveau.
   Pour rendre plus éclatante cette résurrection pascale, l'Eglise est plongée dans le deuil pendant trois jours, du Vendredi-Saint au matin de Pâques. Durant cette période les cloches ne doivent point sonner. Alors, les bonnes gens, dans les campagnes, racontent que les cloches s'en sont allées " sur les ailes des anges ", recevoir à Rome la bénédiction papale, puis, toute la nuit, légères et graves, elles glissent par dessus villes et villages endormis, et viennent d'elles mêmes se replacer dans leur clocher, pour sonner, au soleil levant, le gai carillon de Pâques.

   Or, en cet an de grâce 1912, les enfants qui scruteront le ciel pour voir passer les légendaires voyageuses, verront un spectacle plus déconcertant que toutes les imaginations antiques : des hommes, les ailes déployées, tournoieront dans l'espace, le ciel sera peuplé non plus de légendes mais de réalités, et les aéroplanes, créés par le génie d'une race héroïque, iront porter jusqu'aux nues le magnifique hosanna de la terre.
   C'est le jour de Pâques, en effet, que s'ouvre, à Nancy, l'un des meeting d'aviation organisés pour offrir des aéroplanes militaires à la France. Grâce au patriotique enthousiasme provoqué par ces fêtes, notre pays aura une armée aérienne, une suprématie de plus.
    Et cela n'est pas seulement un succès national, c'est un triomphe de l'humanité entière, l'homme jadis courbé vers la glèbe, relève la tête, élargit son domaine, s'élance à la conquête de l'espace !...
   Et voici que chaque grande ville, chaque région ayant offert un aéroplane avec son nom inscrit sur les ailes, on verra quelque jour, en regardant le ciel, une nouvelle carte de France, immense, féérique, qui se déroulera, clouée à la voute céleste par les clous d'or des étoiles...
   Si bien, comme chante Xavier Monier :

Si bien qu'ayant conquis l'immense colonie
Que ne mesure aucun compas
Deux France brilleront sous la voute infinie,
Celle d'en haut, celle d'en bas !

   Tout de même, cet enthousiasme si nouveau et qui s'envole si haut, si loin, ne nous fera pas oublier les délicieuses et naïves coutumes de jadis. L'une des plus charmantes est, sans contredit, celles des œufs de Pâques.
   Ce matin de fête, qui n'aura pas l'œuf traditionnel, en guise de cadeau ? Les vitrines des confiseurs sont transformées en poulaillers, œufs en sucre, œufs en chocolat, œufs en nacre, œufs en or, œufs de toutes les dimensions, de toutes les couleurs, de tous les prix, œufs contenant des joujoux, des bijoux, des surprises.
  Qui n'aura pas son Œuf de Pâques, ce matin ?
   Mais, s'est-on demandé, quelle est l'origine de ces coutumes ? Celles des œufs de Pâques est des plus simple, elle remonte au début du Moyen-Age.       L'abstinence du carême était, en ce temps, bien plus sévère qu'aujourd'hui, l'usage des œufs, entre autres, était rigoureusement proscrit. Cependant, comme on n'avait pas interdit aux poules de pondre, les œufs s'accumulaient durant six semaines, et les populations se réjouissaient de la venue de Pâques, pour en faire une hécatombe. C'était une réjouissance universelle. 
   Dans toutes les paroisses, villes, bourgs ou humbles villages, on portait à l'église, le Samedi-Saint, une grande quantité d'œufs pour les faire bénir, puis, après les avoir teintés soit en rouge avec de la garance, soit en jaune avec une décoction de pelures d'oignon, soit en verte avec une infusion de lierre, on en faisait présent à ses amis.
   Mais la coutume ne tarda pas à se modifier. On dédaigna les œufs de poule, pour offrir des œufs fantaisie. Déjà Henri II offrait à Diane de Poitiers, en cadeau de Pâques, un superbe collier enfermé entre deux coquilles de nacre. Comme bien on pense, les courtisans s'empressèrent d'imiter le Roi, la mode était lancée.
   Le luxe des œufs de Pâques atteignit par la suite, dans la noblesse de cour, une telle frénésie qu'il fit scandale. On cite le cadeau de certain hobereau qui, sous Louis XIV, fit cadeau à une actrice célèbre, la "Duthé", d'un œuf énorme, en émail, qui contenait... un carrosse.
   Hélas, les actrices de notre siècle ne reçoivent plus de carrosses, comme présents de Pâques. Une automobile est beaucoup mieux de leur goût. Il est même bon ton, parait-il, si l'on se contente d'offrir un simple œufs de Pâques, d'y insérer, avec une carte de visite, quelques billets bleus... 
La mode est devenue pratique.
   Mais nombreux sont ceux qui pensent que l'on peut être heureux pour beaucoup moins. Et comme ils ont raison ! 
   Un rayon de soleil, une chanson, un sourire, c'est plus qu'il n'en faut, souvent !

Jacques Abeille.


Source : Texte extrait du Journal de Vichy, organe de publicité et d'annonces légales et judiciaires, 7 avril 1912  ©Regards et Vie d'Auvergne. N'hésitez pas à laisser un commentaire  au bas des articles ou sur les réseaux sociaux.. Merci de votre visite et à bientôt. 

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