A  la Châtaigneraie.

CPA les Châtaignes en Auvergne


(Poésie qui a obtenu le 3eme prix du concours littéraire de : La Musette.)

Sur notre sol schisteux, sablonneux, granitique,
Pays des mamelons où la "brousso" fleurit,
Où le genévrier au feuillage rustique
Arrondit sa quenouille au pied du fier "garrit" (1)

Les châtaigniers géants, sur les flancs de nos combes
Au bas desquelles chante un tout petit ruisseau,
En bataillons serrés. tant pis pour qui succombe !
Vers les sommets voisins s'élancent à l'assaut.

D'aucuns qu'ont épuisé plusieurs siècles de lutte,
Inclinent leurs rameaux par les grands vents ployés
Mais ils montent toujours, pas un ne se rebute,
Jusqu'au jour où, là-haut, tous seront foudroyés.

On les voit, ça et là, dresser leurs troncs grisâtres,
Noueux et contrefaits. Dans leurs flancs entr'ouverts
Une niche se creuse où s'abritent les pâtres,
Assis près d'un bon feu, dans les "gardes" d'hiver.

Mais vienne le printemps : ce ces demi-cadavres,
Combattants mutilés, décapités, tordus,
Dont l'attristant aspect nous inquiète et nous navre
Comme celui d'amis que nous croyions perdus,

La sève, de nouveau, jaillissante avec force,
Soudain, fait s'entr'ouvrir les bourgeons trop gonflés,
Et quel bonheur, alors, avec la jeune écorce,
Aux nombreux rejetons, de tailler des sifflets...!

Les feuilles ont poussé, puis jauni : c'est l'automne
Et la Châtaigneraie, aux tons de cuivre et d'or,
Auprès des sapins verts  légèrement, détone.
Le grand bois tout rouillé paisiblement s'endort.

Les feuilles, frissonnant dans la nuit déjà fraîche,
Se tassent sur le sol qu'elles vont recouvrir.
Sous la pluie et le vent qui les battent en brèche
Les "péloux" (2), tout là haut, commencent à s'ouvrir.

Allons ! dit le fermier, tout le monde aux châtaignes !
C'est à qui, des fruits mûrs, fera le meilleur butin.
Ecartant les piquants les "gaffes" les atteignent,
Pendant qu'à l'horizon filtre un jour incertain.

Dur labeur, car il faut, vers la terre qu'on fouille,
Le haut du corps fléchi, avoir les yeux braqués,
Pendant qu'on foule aux pieds la sanglante dépouille,
Des géants presque morts que le vent fait craquer.

Un à un, les fruits roux, surmontés d'une aigrette,
Au bas cerclé de blanc, emplissent les paniers.
Et l'on quitte, attristé, des amis qu'on regrette
Peut-être cet adieu sera-t-il le dernier !

C'est l'hiver, c'est le froid, la bise revenue
De ses dards acérés vous tenaille et vous mord.
La neige a recouvert la terre triste et nue,
L'on se blottit chez soi  c'est l'hiver, c'est la mort.

Alors, le bon régal, assis au coin de l'âtre,
Les pieds sur les chenets, devant le feu flambant,
De croquer, cependant qu'un chat folâtre,
Les marrons, arrosés de cidre ou de vin blanc.

Ils croulent avec bruit dans la poêle percée,
Et par moments, l'un d'eux fuse comme un pétard
Sous le feu crépitant d'une énorme brassée.
Et, comme l'on est bien, tant pis s'il se fait tard !

Mais quoique nous puissions, à l'abri et sans crainte,
Attendre le retour des souffles printaniers.
Ecoutons, un instant, la lugubre complainte
Du vent du Nord, hurlant dans les grands châtaigniers...

Pierre Parra.

1) Garrit les chênes
2) Péloux, enveloppes garnies de piquants qui protègent les châtaignes.


Source :  La Musette, revue artistique et littéraire, organe de la société des originaires du Massif Central, novembre 1909. N'hésitez pas à laisser un commentaire  au bas des articles ou sur les réseaux sociaux.. Merci de votre visite et à bientôt. 


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