Les eaux minérales d'Auvergne vues par M. Dousse en 1945.

Le Semeur du 22 juillet 1945, par Marc Dousse.

CPA La Bourboule
La Bourboule, la buvette de l'établissement des thermes.



    Une des merveilles de notre région que notre accoutumance nous empêche d'admirer autant qu'il se devrait, c'est assurément la multiplicité des sources bienfaisantes qu'elle possède et qui, depuis les époques les plus lointaines, y ont attiré les malades. Le professeur Truchot énumère 250 sources rien que pour le département du Puy-de-Dôme, et ne prétend pas avoir donné la liste complète de celles qui pourraient y être captées.
   Les Romains ont utilisé largement nos sources minérales d'Auvergne et des ruines diverses ont, en de nombreuses localités, indiqué que des établissements florissants y furent créés et y eurent longtemps une grande vogue. Des divinités bienfaisantes avaient leur demeure en ces lieux, le bouillonnement de leurs eaux était l'agitation de l'âme de ces génies thérapeutiques. Le dieu Borvo a créé les localités balnéaires des divers Bourbon et aussi de La Bourboule. Des sources profondément oubliées depuis ces âges lointains ont livré aux fouilles des monnaies à profusion, c'étaient là les offrandes des pèlerins au dieu guérisseur.
   Le renouveau de vogue ou, pour mieux dire, la résurrection des eaux minérales de cette région, fut en grande partie l'œuvre d'un médecin de Moulins, Jean Banc, qui fit paraître en 1605 un livre intitulé :

"Mémoires nouvelles des merveilles des eaux naturelles, en faveur des nymphes françaises et des malades qui ont recours à leur emploi salutaire"

   Ce titre ampoulé n'oubliait même pas, comme on le voit, les antiques divinités gîtées dans ces sources mystérieuses. Avec un pédantisme qui nous parait fort déplacé dans ce sujet, il était précédé de plusieurs épitres en vers latins et de "stances" en français, non moins alourdies d'allégories mythologiques. Des strophes sonores tâchaient d'y donner de l'accent :

"Les membres my-pourris y reverdissent encor,
L'hydropique altéré reçoit de l'allégence
Et le froid catharreux est tiré de souffrance,
Aussi tost qu'il descend en ces piscines d'or"

   C'est au troisième livre de l'ouvrage qu'on voit une curieuse énumération des sources de cette région et des cures merveilleuses qu'elles produisaient à cette époque sur nombre de "personnes de qualité" qui les avaient employées. Chose étonnante, des eaux aujourd'hui extrêmement réputées y sont à peine mentionnées, et d'autres tombées dans un oubli total y encombrent les chapitres, telles les "sources froides naturelles de Médaigues", ces sources, situées près de Joze, sont célébrées par Jean Banc avec une invocation aux "très sacrées et pures nymphes", accessoire obligé de ces indications qui nous semblent cependant purement médicales.
   Celles de Sainte-Marguerite, près de Vic-le-Comte, étaient plus chrétiennes, puisqu'on y pratiquait en même temps des neuvaines en l'honneur de saint Marguerite.
   Et près des Martres, celle qui se trouve fort proche de la barque de Longue, on appelle ce territoire Curran (Corent), qui est des meilleures et des plus recommandés pour le rapport des bons vins qui soient en toute l'Auvergne. Monsieur le Vicomte de Canillac s'en servit et Monsieur son fils aussi avec heureux succès en quelques indispositions qui commençaient à fort presser leur santé... Un homme de Pont-du-Château, âgé de plus de cinquante ans, a assuré :

 "être guery d'une langueur et pesanteur de tout le corps, avec une courte haleine et dégoûtement qui le mettaient au mourir"

   On voit qu'en dépit d'un pathos qui semble du Molière anticipé, les médecins de notre région avaient déjà fortement aiguillé leur clientèle vers les eaux minérales si facilement accessibles, de chez nous.
   Ce n'était pas sans raison que le lieu qui porte aujourd'hui le nom sonore de Mont-Dore, était simplement appelé : Bains, et tant d'autres dont le seul patronyme indique l'antique destination : les Salins, à Clermont, par exemple, dont la source encore mentionnée il y a 80 ans, est complètement tombée dans l'oubli, et les multiples "Font salade", c'est à dire : "Fontaine salée", qu'on trouve en tant de lieux.

   Aujourd'hui, l'organisation des ressources thérapeutiques offertes par les eaux minérales, a été faite scientifiquement, et après avoir dépassé l'obstacle opposé aux voyages par les événements des dernières années, la foule des malades de toute la France envahit nos villes d'eaux, réorganisées, modernisées et pourvues de la grâce des antiques nymphes du passé. De véritables armées d'enfants trouvent à La Bourboule, l'air pur avec l'eau bienfaisante, toutes les infirmités viennent chercher guérison ou soulagement au Mont-Dore, à Royat, Châtelguyon, Saint-Nectaire et tant d'autres lieux qu'on devrait citer et qui sont la parure et le bienfait permanent de notre province, sous ce rapport véritablement bénie du ciel entre toutes les autres.
Marc Dousse.
Autre article sur le même sujet : les sources saladis aux Martres de Veyre.


Sources : journal "Le Semeur" 1945, mise en page, illustration  regardsetviedauvergne.fr 
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