Les petites plaisanteries du curé en vacances, à Neschers dans le Puy-de-Dôme.

 Journal : le Canard Clermontois, humoristique et satirique.

" Le Canard n'est ni fait pour les fripouilles ni pour les imbéciles " 

CPA Neschers
Neschers.



Samedi 22 août 1936.


   " Si le Seigneur, qui fait bien tout ce qu'il fait, n'a pas jugé utile de douer tous les curés d'une voix harmonieuse, c'est qu'apparemment il jugeait dans sa grande sagesse que, faits pour chanter la messe seulement, ça ne tirait pas à conséquence.

   Et ma foi, jusqu'ici, personne n'a trouvé à redire des cordes vocales des gens d'Eglise. Personne, il est vrai n'avait été contraint d'ouïr ni la messe ni les hymnes à la gloire du Seigneur et de ses saints.

   Las ! Le curé de L'Ile-Saint-Denis a bouleversé cette sage ordonnance. Ce curé-là ne dit pas la messe en plein air, mais il chante en pleine rue. Et ses hymnes ne sont qu'à la gloire

du Seigneur de la Rocque. (1)

   Les braves pecquenots de Neschers qui se f...... de " Casimir "  et qui préfèrent les chansons à boire, seraient indifférents à ces petites fantaisies si, pour être sur que nul n'échappe à sa petite manifestation quotidienne, le curé en vacances ne mobilisait les gosses qu'il promène sur les neufs heures du soir. Comme ça, on fait plus de bruit encore et comme les autochtones sont rentrés des champs et roupillent, ils ne peuvent pas échapper au concert.

   Bonhomme, le Maire du patelin prévint charitablement le curé déchaîné qu'il n'était pas charitable d'empêcher les gens de dormir et le pria fort civilement de mettre une sourdine à ses manifestations.

   Or, que croyez-vous qu'il arriva ?... Que le curé, champion des partis dits de l'ordre, s'inclina devant la loi commune ?... Erreur ! l'abbé enfla sa voix et alerta les journaux parisiens qui bouffent du Front Populaire comme on bouffait jadis du curé.

   Grâce à quoi, l'honorable Maire de Neschers eut droit à la première page du Matin et à une engueulade soignée.

   Evidemment, le Maire du patelin est assez tranquille sur les suites de cette affaire et peu lui importe qu'on s'esbaudisse parce qu'il a fait état d'un décret-Loi du 23 octobre... 1936. Les erreurs de plume ne sont pas l'apanage des maires de gauches. Malheureusement, cet incident déformé par le curé de L'Ile-Saint-Denis amplifié par certains confrères a pris des proportions telles que la plupart des quotidiens de province ne parlent plus que du scandale de Neschers. Tout de même monsieur l'abbé, ce n'est pas très honnête ce que vous faites-là. Les gosses que vous enrégimentez pourront vous dire ce qu'on leur a sans doute appris au catéchisme : " ce n'est pas beau de mentir " !

   Certes cette affaire ramenée à ses justes proportions ne mérite pas pour le coupable un châtiment trop sévère, mais avouez, M. l'Abbé, que vous mériteriez bien une petite leçon. Qu'on vous promenât par exemple en cage, comme le voulait jadis l'Eglise, pour les menteurs.

   Pour l'instant, les habitants de Neschers qui ont bon cœur se contentent de rigoler.

   De grâce, l'abbé, comprenez et ne les faites pas mettre en colère.

Signé : Fournier.

1) Le "seigneur" François de la Rocque, dit "Casimir" était un officier catholique, auteur du fameux " Travail, Famille, Patrie" 


   Sources :  Textes le Canard Clermontois, 1936. Article ©  Regards et Vie d'Auvergne. Vous pouvez laisser un commentaire au bas de l'article.

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