La Choucroute d'Auvergne de Seychalles dans le Puy-de-Dôme.



L'usine de Seychalles nous apporte un enseignement et... un ravitaillement. 




Choucroute de Seychalles dan le Puy-de-Dôme
Placée sous la raboteuse, la rave est découpée, en lanières
Pour être ensuite traitée en Choucroute.
(Photo Léon Gendre, Clermont-Ferrand)

   " Au long de la route de Thiers, c'est un défilé de ces rudes chariots d'Auvergne, enfoncés dans l'ornière, que traînent des bœufs, têtes baissées sous le joug, et chargés de choux, de raves et de rutabagas.
Tout cela s'en va vers un vaste hangar, ouvert aux vents de la plaine de Seychalles.
   On l'appelle là-bas, couramment : l'usine de choucroute. Et c'est, en somme, un beau nom. Et bien mérité. On le fêtait l'autre jour.
La cérémonie était d'une heureuse et bienfaisante simplicité. Elle enseignait la valeur d'une bonne idée servie par une bonne volonté.
   Un réfugié d'Alsace, M. Christ, loin de sa petite patrie, a continué à servir
la grande. Il y a du chou, en Auvergne. Il y a aussi de la rave et du rutabaga. Avec cela on peut faire de la Choucroute et de la Ravienne. Le mot étant un néologisme qui exprime bien ce qu'il veut dire. Mais ce qu'on doit dire d'abord, c'est l'utilité pratique de cette fabrication.
   Elle permet de garder en conserves ce chou heureusement prolifique et dont l'abondance, aussi, survivra à sa saison.
   Nous verrons encore que la Choucroute n'est pas, comme nous l'imaginions, un légume qui exige impérieusement et obligatoirement sa garniture classique, devenue aujourd'hui d'une prospection difficile. La Choucroute peut parfaitement se suffire à elle-même grâce à des condiments faciles et à d'ingénieuses préparations.
   Nous verrons que la rave, le rutabaga, mêlés, si l'on veut, à la carotte, constituent des Choucroutes différentes et succulentes.
Nous verrons...
Nous verrons bien d'autres choses.
   Nous verrons, si vous le voulez bien tout ce qu'ont vu les privilégiés qui ont assisté à cette charmante petite fête.
   Commençons donc par la visite de l'usine. C'est le grand hangar qu'on vient de dire. Il est précédé dans la cour, de ces tonneaux de bois blanc qui sont les récipients ordinaires du produit essentiel de nos brasseries.
Mais, à l'intérieur, le hangar est bordé d'une vingtaine de grands cuviers qui ne sont autre chose que des sortes de foudres placés verticalement, ouverts par le dessus, d'où émerge le poids de gros pavés et une mousse blanche assez semblable à de la neige. C'est seulement une émanation de la saumure, signe de bonne fermentation.
   Ça et là, dans des boxes, s'entassent des raves et des rutabagas. Et aussi, et surtout, de prodigieux morceaux de beaux choux d'un beau vert clair, gracieusement pommés.
   Tout autour du hangar court une large galerie de bois où sont placés les machines, robustes et sans complication.


Le simple machinisme de fabrication :

   Voici la perforeuse. Elle taille le chou en lanières en une seconde. Mais, il faut d'abord que le " trognon ", ou, pour mieux dire, le cœur, soit transpercé. Tout le chou, alors, file en chevelure et tombe en vrac dans les cuves de bois. Une couche de chou, une couche de sel. Par dessus, un homme qui piétine le produit en l'agglomérant. C'est tout.
Mais...
Mais quels soins, quelle attention, et même quelle chance sont nécessaires pour conduire à bien la délicate opération.
   Il faut entendre le directeur-ingénieur de cette fabrication en dénoncer d'un ton calme les risques et les périls.

Le drame de la Choucroute :

   Il y a un drame de la Choucroute. La fermentation en est la cause. Ah ! cette fermentation !...
Attirés, retenus par les compétentes explications de M. Christ, nous abondons bientôt en question diverses. Celles qui jaillit de notre chœur assemblé est celle-ci ?
- Combien de temps dure la fermentation ?
- Cela dépend. Ce peut être deux jours, ce peut-être deux mois. On ne sait jamais...
Des exemples.
C'est un gros fabricant qui avait 480 000 kilos en cuves. La fermentation s'effectuait, normale, selon toute apparence. Soudain, tout a tourné à la fois. Les 480 000 kilos !
Nous demandons anxieux :
- Il n'y a pas de remède ?
- Si, un bon remède. Mais...
-Mais...
- Mais on ne peut l'employer... Il faudrait du sucre... beaucoup de sucre... Alors...
Nous n'insistons pas. Connait-on au moins la cause de ce sinistre ?
- Oui, ou plutôt non... On sait que c'est un microbe. Mais quel est ce microbe ? On n'a pas pu l'isoler.
   Il parait aussi qu'il faut se méfier des choux gelés. Rien de plus traître sous une innocence apparence. Un seul chou gelé et toute la cargaison est gâtée. Le mal se révèle par une coloration subitement pourpre. On dit, en terme du métier, que le chou à " attrapé le rouge ".

30 000 kilos par jour :

   C'est son défaut. Il a aussi ses qualités. Son abondance et sa succulence. L'usine peut traiter quotidiennement 25 000 à 30 000 kilos de Choucroute !    On conçoit l'apport de tels établissements au ravitaillement général.
L'usine traite aussi la rave ordinaire ou le rutabaga. La Choucroute, appelée plus exactement Ravienne, est succulente également. Mais il faut se garder de tout mélange. La cuisinière raterait complètement son plat. La Ravienne ne demande guère qu'une heure de cuisson. La Choucroute en exige trois. Impossible de les concilier dans la même casserole !
   A part quoi rave et Rutabaga soumis à une sorte de raboteuse sont réduits comme le chou en une longue chevelure. Plus exactement on dirait des spaghettis longs.
   Tous ces produits, raves, rutabagas et choux sont achetés par l'usine directement au producteur. Ils seront vendus directement au commerce. La Choucroute de chou, si l'on ose ce pléonasme, encore bloquée à la fabrication, sera sagement taxée.
   Telles sont les promesses dont nous avons pu constater qu'elles valaient des certitudes.
   Mais il s'en est fallu de peu que l'affaire fût manquée. L'usine, judicieusement placée à pied d'oeuvre, au centre même de la production, ce qui évite les difficiles et dispendieux transports, avait besoin de 11 kilomètres de fils triphasés pour sa conduite de force électrique.
On lui répondait :
- Plus de fils !...
Et tous les choux qui attendaient leur traitement ?
Et le rouge qui les guettait !
   A la fin tout s'est arrangé. Nous vivons en un temps où certains fonctionnaires comprennent et agissent ... Les fils sont arrivés. La force est venue. Perforeuses et raboteuses ont tourné. Nous aurons, nous avons de la Choucroute !

Dégustation commentée.

   Les privilégiés de la fête inaugurale de Seychalles l'ont goûté. Et la Ravienne aussi. Et sous toutes leurs formes.
   Un vieux principe d'enseignement voulait s’efforcer d'instruire en amusant. On y réussissait guère. A Seychalles, on a fait mieux, en y réussissant. On nous a instruits en nous régalant.
   La Choucroute, cette conserve de chou, peut se préparer sans sa traditionnelle charcuterie en offrant toutes ses vitamines nutritives. Sans doute, quelques recettes culinaires nous l'aurons appris.
Mais, selon le poète, les exemples vivants sont d'un autre poète. Les hôtes de Seychalles ont pensé comme Don Gomas.
   Sur une table hospitalière, on nous a servi en dégustation : Ravienne à la sauce, Choucroute persillade, Choucroute à la tomate, Choucroute Béchamelle, Choucroute gratinée, servies par d'aimables Auvergnates, accortes dans leur pittoresque costume régional.
   Et, tandis que nous allions de succulence et succulence, une dame charmante nous lisait la recette dont nous constations l'évidente qualité.

Belle leçon et bon exemple :

   Les élèves de l'école ménagère de Montaigut-en-Combrailles avaient été conviées fort utilement à cette agréable leçon dont elles ne perdaient pas une bouchée.
   M. le Maire de Seychalles remercia en termes heureusement émus le fabricant bien faiteur, MM. les directeurs de la région économique de Clermont-Ferrand avaient obligeamment organisé cette bonne et belle manifestation.
   Nous avons connu, en d'autres temps, des inaugurations d'une pompe vainement officielle.
   Du fond d'un village d'Auvergne, une démonstration cordiale a enseigné à toute la France, avec simplicité, le prix magnifique de l'effort et la valeur heureuse d'une espérance réalisée. 
Maurice Coriem.

   Ndlr : Charles Christ était un Alsacien replié en Auvergne. Ils étaient alors nombreux à fuir le régime Allemand qui c'était installé et occupait la région, l'université de Strasbourg avait elle aussi du déménager à Clermont-Ferrand. Au début du siècle dernier un fabricant Clermontois avait déjà installé une usine de Choucroute à Seychalles afin de traiter la grosse production de chou de la Limagne, avec notamment la variété : Quintal d'Auvergne.  


   Sources : Article extrait de : Le petit Journal, décembre 1941. © Textes et Photos Regards et Vie d'Auvergne. Vous pouvez laisser un commentaire au bas de l'article.




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