Le Paysan en grève 2/2.
Alors, on offrit aux ouvriers d'usines des salaires
d’instituteurs pour travailler la terre. Il en vint, pas assez.
Encore fallait il leur conserver la journée de huit heures, inconnue
des campagnes !
Et le paysan, les mains derrière le dos souriait
devant la gaucherie de ces
laboureurs improvisés, et haussait les épaules en les voyant rentrer des champs en plein après-midi, leur journée déjà finie.
laboureurs improvisés, et haussait les épaules en les voyant rentrer des champs en plein après-midi, leur journée déjà finie.
Peu de travail, besogne mal faite, les prix sur le marché devenus
invraisemblables, montaient, montaient toujours, laissant loin
derrière eux les prix pratiqués avant la grève, par le
"Paysan-vampire".
Les bouchers se disputaient à coup de pistoles des veaux étiques
et efflanqués, le beurre dépassait 40 francs la livre, les œufs se
payaient au poids de l'or, le lait pour le déjeuner du matin
n'arrivait plus qu'à midi...
Alors, on eut recours aux grands moyens. On prêcha la
croisade pour la terre abandonnée par ces damnés paysans. On fit
appel aux bourgeois pour qui se posait davantage l'angoissante
question des vivres.
On créa dans les villes des bureaux d'enrôlement pour les travaux
agricoles. Des bureaucrates affamés, des commerçants délaissés de
leur clientèle villageoise, des dames et des demoiselles irritées de
n'avoir plus à leur réveil leur bol de lait mousseux, se signèrent
pour la nouvelle croisade.
On leur fit des conférences d'agriculture, on fit passer sous leurs
yeux des films montrant la façon de traire et de labourer. Les plus
zélés achetèrent le manuel d'Agriculture de l'Union du Sud-Est. Et
les équipes s'ébranlèrent vers le pays des infidèles.
Et quand la caravane élégante arriva dans le village, le paysan se
dérida presque, il tenait sa vengeance...
Campé sur le seuil de sa porte, il suivait d'un regard
amusé les évolutions de ces citadins, dans la cour de sa ferme : les
dames à hauts talons, retroussées au point de laisser entrevoir
leurs dessous vaporeux, les demoiselles en dentelles faisant un long
détour pour éviter les endroits dangereux, les messieurs consultant
leur manuel pour savoir par quel bout s’attèle une
charrue...
Rien ne désarme contre le rire.
Et le paysan riait.
Le deuxième jour il était vaincu.
Les autres aussi, ceux de la ville. Les hommes avaient des
cals aux mains et commençaient à comprendre que le blé ne pousse
pas tout seul, qu'un cheval a besoin de manger pour travailler, que le
forgeron ne lui pose pas pour rien ses chaussons de fer, que tout enfin
n'est pas plaisir, repos et profit dans l'agriculture.
Les dames n'avaient pas tardé à s’apercevoir qu'il
faut de l'énergie pour se lever au chant du coq et traire le lait pour
le déjeuner des bourgeois, que le
"merdate de bousium"
n'exhale pas précisément le parfum de l’œillet, et que la fermière
est à la peine avant d'être au profit.
Et puis, il avait ce coquin de soleil qui tanne les
visages les plus délicats, ces brins de paille qui s'empêtrent dans
l'édifice savant des chevelures, ces chardons sournoisement cachés dans
les bottes et qui lardent les mains de leurs féroces aiguillons...
La semaine ne s'était pas écoulée que la caravane, moins
élégante qu'à l'arrivée, moins enthousiaste surtout, reprenait le chemin
de la ville.
Mais, avant le départ, bourgeois et bourgeoises, convaincus maintenant
à l'épreuve, du rude labeur du Paysan, étaient allés le saluer dans la
salle basse où il fumait obstinément sa vieille bouffarde. Ils avaient
mis leur main blanche dans sa main rugueuse et bronzée en lui disant
:
-"Désormais, soyons amis !"
Et avec son bon gros rire malicieux, le paysan avait
secoué, un peu rudement peut-être, ces menottes fragiles et déjà
endolories, en répondant :
-"Désormais, soyez justes !"
Le lendemain, il reprenait sa charrue.
O. Parent ( La France Rurale)
Sources : article de O. Parent, journal : l'Avenir du Puy-de-Dôme et du Centre, Quotidien Régional Indépendant, du 23 Août 1925.
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