Les vieux métiers d'autrefois: Cabaretiers et vins d'Auvergne


 Les Cabaretiers d'Auvergne.

Cabaretiers d'Auvergne CPA
Cabaretiers d'Auvergne

Patron : saint Martin, le 11 novembre.

   Brillat-Savarin a dit avec une certaine raison :

  " Aucune affaire de quelque importance ne se traite qu'à table, c'est au milieu des festins que les sauvages décident la guerre ou font la paix, et sans aller si loin, nous voyons que les villageois font toutes leurs affaires au
"Cabaret ".

   Sa définition est que l'homme repu n'est pas le même que l'homme à jeun.
   Les Cabaretiers étaient anciennement ce qu'ils sont de nos jours, des marchands de vin en détail, ayant des enseignes ou bouchons. Dans l'antiquité, chez les Grecs, par exemple, on préconisait le nom e celui qui avait trouvé le bienfaisant secret de mêler l'eau avec le vin, et même on lui avait élevé une statue.
   Si l'on veut se faire une idée du prix du vin en Italie, du temps de l'Empereur Dioclétien,
voici, suivant M. Dureau de la Malle, un tarif du prix ancien, évalué en prix moderne :

Vin de Picenum, le sextarius, demi-litre    75 c
Vin de Tibur                                           75 c
Vin de la Sabine                                     75 c
Vin d'Aminée                                          75 c
 Vin de Sorrente                                     75 c
Vin de Falerne                                        75 c
Vieux vin ordinaire de première qualité :  60 c
Vin commun                                          20 c
Cervoise                                                10 c 
Bière                                                     05 c

   Chez les Romains, il était interdit aux femmes de boire du vin, cette liqueur ne devait même pas être apportée près de leurs appartements. Romulus mettait au premier rang des femmes coupables, l'épouse qui buvait du vin, aussi bien que l'épouse adultère, ces deux crimes se tenaient et devaient aller de front au même châtiment. Un mari qui avait trouvé sa femme s’enivrant, la tua et fut absous par Romulus. Il était défendu aux femmes de garder les clefs de la cave et même d'y toucher. Une jeune fille les ayant prise dans un coffre, fut condamnée par ses parents à mourir de faim.
   Dès le temps de saint Louis, le métier de Cabaretier s'achetait du Roi. Ce ne fut que sous le règne de Henri III qu'il fut érigé en corps ou communauté sous les noms de :" Marchands de vin à pots " de taverniers, de cabaretiers et d'hôteliers. Avant son règne, le commerce du vin, soit en gros, soit en détail, était presque libre à toutes sortes de personnes, et pour le faire, il suffisait à Paris, et partout ailleurs dans le royaume, de quelques légères permissions qu'on obtenait aisément, et à peu de frais, ou des officiers de la police du Roi, ou de ceux des seigneurs qui avait le "droit du ban", c'est à dire de vente de vin.
   La différence de ces quatre professions était bien tranchée autrefois, comme elle l'est encore de nos jours. 
   Les premiers ne vendaient le vin qu'à pot, c'est à dire qu'ils étaient obligés d'avoir un trou pratiqué dans une grille en bois, au comptoir, et une fois la vente faite, ils devaient renverser leur pot vide sur le comptoir, c'est ce qui a fait appeler ce genre de débit en détail "vente à pot renversé"
Les seconds donnaient seulement à boire.
Les troisièmes mettaient une nappe et des assiettes, et avec le vin ils donnaient à manger, sans pouvoir cependant loger les voyageurs, ni recevoir les personnes de la localité. Ils ne pouvaient servir que des petits pains. Défense était faite aux habitants, principalement à ceux qui étaient mariés et qui avaient ménage, et à leurs serviteurs et domestiques, de fréquenter les Cabarets.
Les hôteliers servaient des repas et logeaient les voyageurs.

   Dans le moyen âge, les moines avaient grand intérêt à pousser à l'organisation des cabarets, des tavernes, des hôtelleries, ils y percevaient une dîme. Le plus petit "bouchon" devait un impôt à l’abbé ou au prieur du monastère, dans le ressort duquel il était établi.
Dans quelques pays, le droit d'ouvrir cabaret, comme on le voit par une charte de 1202, s'appelait "tavernage". L’impôt ou plutôt l'amende qu'on infligeait aux taverniers quand ils enfreignaient les lois sur le prix du vin, portait le même nom.
Le Roi même, dans l'ancien temps, faisait ouvrir taverne pour la vente de son vin, et le faisait crier : 

" Si le Roi met vin à taverne, tous li autres taverniers cessent et li crieur tout ensemble doivent crier le vin du Roi, au matin et au soir, par les carrefours"

   Parmi les vins en vogue et en renom au moyen âge, nous voyons figurer souvent celui de saint Pourçain, et à cette époque il était ordonné aux hôteliers et Cabaretiers de le vendre dix deniers la pinte, comme vin de choix. Les fabliaux du temps en parlent aussi en ces termes :

" Pain de bouche et estrange vin,
Bourgoying, Gascoing et Angevin,
Beaune, Rochelle et Saint Pourçain,
Que l'on met en son sein pour sain !"


   Suivant un édit de 1666, pour pourvoir à la sûreté de Paris et des villes du royaume, il est ordonné aux Cabaretiers de fermer leurs établissements à six heures, à partir de la fête de la Toussaint et à dix heures du soir, au plus tard, depuis la fête de Pâques, à peine contre lesdits cabaretiers de cent livres d'amende pour la première fois, et en cas de récidive, à deux cent livres d'amende, et d'être mis au carcan.
   Chaque Cabaretier avait son enseigne ou son Bouchon. Son enseigne était ordinairement emblématique, représentant une allégorie, un calembour, un rébus, comme : un Cerf et un Mont, pour indiquer aux buveurs de venir au : sermon; un cygne et une croix, au signe de la croix; une femme sans tête avec les mots : A la bonne femme, etc.
   Avant qu'il y eut des cafés dans Paris, la meilleure société se réunissait au Cabaret. Piron, Panard, Gallet et Collé, fondèrent un cabaret vers le milieu du siècle dernier, une académie bachique : Le Caveau, qui, dans ses écarts mêmes, n'était pas étrangère au bon goût.
Ces gais viveurs n'ignoraient pas ce qu'a dit plus tard le savant Pougens, de l'Institut :


"Vous serez bien aise peut-être
D'avoir les vins les plus fameux,
Cinq qualités vous les feront connaître :
Naturels, généreux, pétillants, frais et vieux,
Ils flattent le palais, l'odorat et les yeux."

   Suivant la coutume d'Auvergne, les cabaretiers et les hôteliers étaient crus sur leur serment ou affirmation, pour obtenir le paiement de leurs fournitures, jusqu'à la concurrence de la somme de cinq sols.
Ils n'avaient point d'action pour le vin seulement vendu en détail. La vente du vin n'était pas d'abord le privilège de quelques marchands spéciaux. Tout propriétaire de vignoble, tout monastère, débitait son vin à pot , lorsqu'il ne le vendait pas en gros, mais ils étaient tenus, à peine d'amende, d'avoir une pancarte sur laquelle ils écrivaient le prix de leurs vins, fixé par l'autorité. On en permettait la vente les dimanches, mais hors des heures du service divin, tant le matin qu'après midi. On faisait ce qui était encore en usage dans nos villes il y a une dizaine d'années : des crieurs publics, ou la trompette de ville, en facilitaient la vente.
   Suivant les articles 11 et 12 des lettres de Charles VI, du mois de mars 1397, confirmant un accord fait entre l'évêque de Clermont et les habitants de Lezoux, il est ordonné que les consuls avaient le droit d'avoir les mesures du vin, même pendant le mois d’août, et ils devaient, en présence d'un des officiers de justice de l'évêque, les donner sans frais à ceux qui voulaient vendre du vin. Ceux-ci, dans le mois d’août, devaient donner un setier de vin aux Consuls. 
   Ceux qui vendaient du vin dans le mois d’Août ne pouvaient le vendre plus cher qu'on ne le vendait communément pendant le mois précédent, et le prix en était fixé par les Consuls. On ne devait vendre, pendant ce mois, que du vin pur et potable, et on devait en vendre même pour la valeur d'une obole, et ceux qui en vendaient pendant le mois d’Août devaient, pendant la nuit, éclairer par des lumières la maison où ils le débitaient, et devaient en donner, à quelques heure que ce fût, à ceux qui venaient en chercher.
L'évêque seul, ou ceux seulement à qui il en affermait le droit, pouvaient vendre du vin pendant le mois d’août.
   Une ordonnance des officiers de police, du 5 novembre 1672, défend expressément aux Cabaretiers et Hôteliers de Clermont :
   
1) De tenir leurs tavernes et cabarets ouverts, et de garnir leurs boutiques d'aucunes viandes les jours de dimanche et fêtes, pendant toute la journée, soit le matin ou après dîner, et de recevoir aucuns habitants de la ville et des faubourgs après six heures du soir, depuis la Toussaint jusqu'à Pâques, et après huit heures, depuis Pâques jusques à la Toussaint et les dits jours de dimanche et fêtes, pendant le service divin.
2) De vendre leur vin à ceux qui l'iront acheter à pot et à pinte, à plus haut prix que ceux qui l'auront fait crier par les huches, ou qui le vendront chez eux, ni de loger aucuns mendiants, vagabonds et gens sans aveu.
3) Défense à toutes personnes de manger de la viande les jours de vendredi et samedi et autres prohibés par l'Église, aux mêmes peines, et à tous Hôteliers, cabaretiers et autres, d'en donner à manger, ni permettre qu'il en soit mangé, ni fait ou proféré aucunes impiétés dans leurs maisons ou cabarets, à peine d'amende et de punition exemplaire, s'il y échet.
   La même ordonnance défend aussi aux huches et crieurs de vin, de crier le vin pendant que l'on dira la messe de paroisse les jours de dimanches et de fêtes, et leur enjoint de rapporter chaque mois au greffier de la police le prix du vin, pour en être tenu registre de pancarte par ledit greffier ".

   D'autres ordonnances postérieures prescrivent que :

   " Dans aucune maison publique, telle que café, cabaret et autres de même ordre, il n'est permis de donner à jouer aux dés, ni aux cartes, même pour les jeux réputés de commerce.
Dans les mêmes maisons aucune réunion ne pouvait avoir lieu, après dix heures du soir en hiver et onze heurs en été, sans permission expresse de la police, par laquelle étaient déterminées les heures auxquelles lesdites réunions devaient cesser ".

Bannière des boulangers, cabaretiers de Montaigut



   

   Les Cabaretiers de la ville de Montferrand étaient réunis, pour leur communauté, aux boulangers de la même ville, et avait une bannière semblable à celle des boulangers de Montaigut.
Bannière des Hôteliers, aubergiste, cabaretiers  de st Flour














 Ceux de la ville de saint Flour, aux hôteliers de la même ville.



















Sources : Communautés des Arts et Métiers d'Auvergne, J.B. Bouillet, 1789.
© Regards et Vie d'Auvergne.
http://www.regardsetviedauvergne.fr/
Le blog de ceux qui aiment l'Auvergne et de ceux qui ne la connaissent pas.


Abonnement au blog :