Il y a trente ans s'ouvrait le : PROCÈS de RIOM.
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L'hiver de 1941 à 1942 a été rude. La résidence de Bourassol où
étaient alors internés les cinq accusés du Procès de Riom est restée
de longs mois les toits recouverts d'une épaisse couche de neige.
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NDLR, C'est grâce à une page jaunie du journal régional
La Montagne, retrouvée par hasard, soigneusement rangée dans des
papiers de famille, que nous pouvons aujourd'hui revenir sur ce fameux
procès de Riom.
Les Allemands investissent le château :
(NDLR Témoignage d'un gardien, Mr François Cognien)
"L'invasion de la zone libre par les Allemands en novembre 1942 mit
fin, au bout de quelque temps, à notre faction à Bourassol.
L'entrée des troupes de la Wehrmacht au château s'est opérée de curieuse
façon; les Allemands savaient que les gardes étaient armés pour faire face
à une éventuelle attaque du château, venue de l'extérieur.
Aussi ont-ils tourné autour de la propriété sans interruption, pendant
plusieurs jours et
plusieurs nuits.
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Pour les gardes en faction à Bourassol, les distractions étaient
rares.
Aussi s'arrangeait-on pour passer le temps avec les moyens
et les talents de chacun. Ici, au poste de garde, en plein hiver,
un garde s'est fait une cagoule de sa pèlerine.
M. Cognien, dont nous publions le récit,
est à gauche sur cette photo.
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En fait, les gardes qui étaient cantonnés dans un local de
la ferme adossée au château possédaient (outre leur fusil et leur pistolet
individuel) 4 mitrailleuses Hotchkiss, 4 fusils-mitrailleurs, et un stock
de munition correspondant.
Un soir, les soldats Allemands ont convergé par centaines vers le château
qu'ils avaient encerclé. Nous fûmes rapidement désarmés. Quant au procès
lui même, je n'y est pas assisté; le seul souvenir que j'en garde, c'est
d'avoir vu des gens applaudir au passage de la voiture conduisant les
accusés au palais, ce qui montre à quel point le gouvernement s'était
trompé dans ses calculs."
Un observateur de " l’extérieur " :
( NDLR Témoignage d'un voisin, M.Pierre Charvillat )
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M. Charvillat, retraité S.N.C.F, évoque ses souvenirs
de l'époque du "procès de Riom"
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M. Pierre Charvillat, retraité de la S.N.C.F.depuis 17 ans,
engagé volontaire de 1918, réside à Ménétrol avec son épouse. Pendant
l'occupation, le couple demeurait à Bourassol dans une maison qui n'était
séparée du domaine que par un chemin. M. et Mme Charvillat étaient donc bien
placés pour voir, à distance, chacun des internés faisant sa promenade
quotidienne, sous la surveillance d'un garde.
Laissez s'approcher mes amis...
A propos des allées et venues des visiteurs ou des internés, au
moment du procès, les souvenirs de l'ancien cheminot coïncident avec ceux
de l'ancien garde Cognien. Travaillant à l'époque en gare S.N.C.F. de
Riom, M. Charvillat fut de ceux qui assistèrent, dans les rues de Riom au
passage des accusés aux noms célèbres, sur le trajet effectué en voiture,
et sous escorte, du palais à Bourassol ou vice versa.
Sur cet aspect particulier de ce procès d'un genre non moins
particulier, M. Charvillat raconte qu'un jour, à proximité du palais, un
certain nombre de curieux, en groupe, applaudirent Léon Blum à sa descente
de voiture, et voulurent s'approcher de l'ancien président du Conseil pour
lui manifester leur sympathie. Le service d'ordre, dit M. Charvillat,
s'interposa mais Léon Blum, avec autorité, s'exclama "Laissez au moins
s'approcher mes amis du peuple"
Intimidés, les policiers ont fermés les yeux.
Méfiant...
Sur le départ en mars 1943 de trois des internés de Bourassol,
"évacués" par les Allemands qui leur réservaient un sort de déportés
politiques. M. Pierre Charvillat a un ou deux souvenirs anecdotiques, mais
précis, qui montrent assez bien le sang-froid manifesté par ces hommes à un
tournant tragique de leur destin. Ces souvenirs, M. Charvillat les doit au
métayer de l'ancienne ferme de Bourassol, un Polonais qui l'avait invité à
observer, de chez lui, le remue-ménage provoqué par ce départ. Nous en
retiendrons la séquence suivante :
" Venus d'abord avec des voitures et des remorques, dit M.
Charvillat, les Allemands se ravisèrent et revinrent avec un car. Ils firent
descendre les prisonniers, chargèrent leurs bagages, Edouard Daladier qui
était, on le sait un grand fumeur, portait à l'épaule une musette pleine de
cigarettes et de tabac.
Avant de monter dans le car, voulant avoir un dernier geste
amical pour un Français, il tendit à un garde un paquet de tabac en disant
:
"Accepte-le, c'est sans doute le dernier que tu recevras de moi"
Ce que voyant, un officier supérieur Allemand proposa à l'ancien chef du
gouvernement de déposer sa musette à côté du chauffeur, mais Daladier refusa
tout net.
" Peut-être, dit l'officier Allemand vexé, supposez-vous que je
vais m'emparer de votre tabac ? Rassurez-vous, je ne fume pas !
" Depuis quand ? Lui lança Daladier. Je vous ai vu, hier encore, dans la cour
du château, fumant un énorme cigare !"
Cette répartie illustre l'attitude digne des internés, que leur
propre destin semblait laisser totalement indifférent, cette dignité hautaine
m'a beaucoup frappé ce jour-là; mais il est vrai qu'ils ne s'en étaient jamais
départis pendant leur séjour à Bourassol, et encore moins pendant le
procès.
M. Charvillat, qui a eu avec les autorités d'occupation de
nombreux démêlés dus principalement aux problèmes de "laissez-passer"
diurnes et nocturnes que posaient sa résidence à Bourassol et ses
occupations en gare de Riom, conclut son récit en ces termes :
"On a dit, on a écrit beaucoup de choses contradictoires, en trente
ans, sur les accusés du procès de Riom. Pour ma part je garde d'eux, et je
pense plus particulièrement à Daladier, Blum et Gamelin, le souvenir
d'hommes qui ont refusé de baisser la tête alors qu'ils étaient, après
tant de revers et d'infortunes, "au bout du rouleau".
En marge : les préoccupations des internés de Bourassol.
Franc-Comtois de souche, M. Maurice Cognien, 51 ans,
faisait partie, en 1941 et 1942, du régiment de gardes, qui fut appelé à
assurer la "protection " du château de Bourassol et de ses illustres
pensionnaires. Engagé volontaire en 1938 M. Cognien avait opté, après
l'armistice, pour la Garde, qui était alors rattachée au ministère de la
guerre de Vichy. De la capitale provisoire, son escadrons (120 gardes environ)
fut dirigé sur Riom, où il s'installa à la caserne
Dombrowski. Nous avons retrouvé M. Cognien dans le magasin qu'il
tient, avec son épouse, rue du Commerce à Riom, et c'est là qu'il a
égrené pour nous quelques souvenirs de cette époque déjà lointaine dans le
temps, mais toujours si proche dans l'esprit de ceux qui l'ont vécue.
Au cours de la promenade quotidienne :
Le rôle de la garde, à Bourassol, était d'assurer la couverture
extérieure du château, pour l'intérieure, c'était des gardiens de prison qui
étaient chargés du service.
"Nous contrôlions les entrées des visiteurs à la porte principale et
nous assurions la garde de chaque interné pendant sa promenade quotidienne,
que nous faisions durer jusqu'à une heure, et même au-delà, car
les gardes étaient tolérants : le peloton avait, en effet, gardé un bon
esprit républicain.
Un gardien de prison supervisait, dans la cour intérieure, ces promenades
hygiéniques, au-cours desquelles j'ai pu
m'entretenir fréquemment avec Daladier et Blum surtout, avec
Gamelin également."
Stratégie sur le sable par Gamelin :
Le général Gamelin dessinait pour nous, avec sa canne, sur le
sable de la cour, le plan des opérations militaires de la campagne de
France (perdue ), commentait tel ou tel mouvement tactique, faisait des
suppositions; bref, il paraissait "habité" par cette campagne qui avait mal
tourné pour le sort de nos armes.
Souvent il répétait qu'il eut fallu attaquer l'Allemagne dès
le début de l'agression contre la Pologne:
"A ce moment, affirmait l'ex-commandant en chef des armées françaises,
l'Allemagne était vulnérable, j'avais d'ailleurs fait préparer les plans de
l'offensive et nos blindés étaient prêts à l'attaque; ce fut une grave
erreur des "politiques" que d'interdire cette offensive"
Sur cette opinion précise de Gamelin, M. Maurice Cognien peut
apporter un témoignage personnel : cavalier en 1940, avec les blindés du 11e
chasseurs (chars, auto-mitrailleuses Panhard, side-cars ) il avait fait une
brève incursion sur le territoire allemand.
Gamelin recevait, à Bourassol, la visite de son épouse, très aimable avec
la garde, qui avait appris à rouler à bicyclette pour faire le trajet de
Riom à Bourassol, et vice-versa, en cette période où l'essence était
introuvable.
Blum : soucieux de l'opinion d'autrui :
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La chambre à coucher de Léon Blum.
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" Léon Blum, lui, ne parlait pas de stratégie, mais cherchait
avant tout à savoir, en nous interrogeant, ce que l'opinion publique pensait
de lui, de son internement, de son ancien gouvernement de Front
Populaire.
"L'ancien président du Conseil devait faire face, de son côté, aux
questions précises que lui posaient certains gardes ayant vécu les
événements sociaux de 1936 (ou la période qui suivit) et ayant dû assurer,
en 1938, le service d'ordre pendant ce que Blum appelé "la pause" dans
l'évolution du Front Populaire.
Parmi les nombreux visiteurs et visiteuses qu'il recevait, la
plus fidèle était Mme Rechenbach (qui devait plus tard devenir Mme Léon Blum
au camp de Buchenwald, oû elle l'avait volontairement accompagné).
Daladier : un ami...
Avec Edouard Daladier, "le taureau du Vaucluse" j'avais
des rapports vraiment très amicaux" , poursuit M. Cognien.
"Dans la cour, Daladier marchait très vite, Fumant sans arrêt. Nous
discutions de politique et lui aussi s'inquiétait des événements de
l'extérieur, de la conduite de la guerre par les Anglais, il était
littéralement obsédé par les accords de Munich (passés entre l'Angleterre,
l'Allemagne et la France en 1938, qu'il avait signés)
De la cour intérieure, il parlait avec Blum, posté à la
fenêtre de sa chambre, échangeant avec lui des informations jusqu'à
l'intervention du gardien.
Je me souviens de la secrétaire d'Edouard Daladier, qui lui
rendait de fréquentes visites à Bourassol : c'était une femme d'une grande
beauté.
Un poney nommé "Gamin"
"Sur l'ancien Ministre de la Défense, Guy La Chambre, je n'ai pas
d'anecdotes marquantes, je garde par contre, de son amie, Cora Madou, une
actrice très élégante, un très bon souvenir : celui du jour où, chutant sur
le verglas, à l'entrée du château, alors que j'étais au contrôle, la belle
visiteuse eut besoin de mes bras pour se remettre debout...
"Cora venait à Bourassol dans un break hippomobile tiré par un
poney nommé "Gamin", qu'elle avait loué à Riom, et qu'elle gavait de
petits-beurre, sous nos yeux, comme pour nous narguer en cette époque de
pénurie alimentaire. Il est vrai qu'elle détestait qu'on la contrôlât aux
entrées."
Sources : La Montagne Centre France, avec l'aimable autorisation de Mr le
Directeur de la coordination éditoriale.
© Regards et Vie d'Auvergne.
http://www.regardsetviedauvergne.fr/
Le blog de ceux qui aiment l'Auvergne et de ceux qui ne la connaissent
pas.
Bonjour
RépondreSupprimerCela correspond bien aux écrits de mon papa Mr CAILLY RENE qui avait fait des gardes au chanteau en temps que "GMR".
Plus tard il avait quitté les "GMR" pour entrer dans la police urbaine de Riom.
Je serais heureux d' avoir plus de détails.afin de finaliser ses écrits.
alain.cailly@outlook.com
tel: 06 09 76 32 47
Merci