Royat, Puy-de-Dôme.
Sur un piédestal, à l'orée des bois sombres de châtaigniers et de pins, au seuil d'une chapelle de la Vierge, Notre-Dame de Lorette, dans un calme impressionnant, est posé le monument aux enfants de Royat morts pour la France, monument dû au ciseau de Mr Mabru*, enfant du pays. Il mérite qu'on s'y arrête un instant. Si ce n'est pas archéologique, c'est de l'histoire vraie, vécue et c'est de l'art dans sa plus haute acceptation.
Le monument est formé d'un groupe en pierre blanche de cinq personnages, élevés sur un socle de marbre nu, sans sculpture. Il est traité avec une délicatesse et une vérité remarquables. Un soldat, qui semble dormir, tant il est naturel, est étendu, la tête sur sa couverture roulée sur le havresac, le bras gauche est replié, la main sur le cœur qu'une balle impie vient de traverser. A ses pieds se tiennent deux paysans auvergnats âgés, un homme en blouse, debout, tête nue, aux traits douloureux, mais résignés, les mains contractées sur un chapeau qu'il froisse contre sa poitrine; à coté, à genoux, les deux mains jointes avec ferveur, une femme, en mante et bonnet tuyauté.
Les deux vieux prient avec une ardeur émue pour le fils qui n'est plus. Il semble qu'on leur voit remuer les lèvres. A leur vue on se tait, on se découvre et on attend le sanglot déchirant près à s'échapper de leur sein oppressé. Ils prient pour ce fils aimé et aussi pour cet orphelin qui, guidé par sa jeune mère éplorée, va mettre à la tête de son père la couronne des braves. Cet enfant contemple amoureusement ce père que la tendresse maternelle lui donne, matin et soir, comme exemple. Il s'en souviendra éternellement et saura l'égaler en honnêteté, en bravoure, en un mot, être comme lui un homme de devoir, un vrai Français.
Cette jeune mère, poussant son fils vers la chère et glorieuse dépouille , est bien encore de chez nous. Elle en a gardé le type, malgré ses vêtements et sa toque. Elle ne porte plus nos étoffes, nos formes, notre coiffure, parce que, en son esprit, faussé par les sophismes modernes, ne voulant plus être paysanne, mais dame, elle copie les modes de la ville; son âme cependant est restée intacte.
Elle souffre immensément et cette douleur intense reflétée sur sa figure en a tiré les traits. Rien ne la consolera de la perte de ce compagnon fidèle qu'elle s'était donné.
Tout, en cette oeuvre, est calme, puissamment douloureux, mais vrai est combien ! Ces deux vieux, nous sont connus, nous les avons rencontrés quelque part en notre Auvergne. Ces physionomies nous sont familières et leurs vêtements, cette mante, ce bonnet rond, ce chapeau mou et jusqu'à ce pantalon large (ces braies) sont bien de nos montagnes.
L'emplacement choisi pour ériger ce beau monument, dominant le cimetière, est des plus heureux. Le cadre s'harmonise avec le sujet et cette chapelle à la Vierge, consolatrice des affligés et qui, par l'espérance qu'elle fait naître, soutient tous les courages, le complète très avantageusement.
* Raoul Mabru : 1892/1957, peintre sculpteur Auvergnat on connaît de lui de nombreux monuments aux morts: Royat en 1923, Billom, il est aussi l'auteur de la "Bergère" et de nombreuses statues ayant pour sujet les Auvergnats.
Il enseigna et fût directeur des Beaux Arts de Clermont-Ferrand.
Sources : texte : Auvergne littéraire 1928.
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