L'Artense, en Auvergne.

L'Artense.

CPA Antignac, Cantal.

   Sur les confins du Puy-de-Dôme, du Cantal et de la Corrèze, entre Rhue et Dordogne s’isole, à quelques neuf cents mètres d’altitude, l’Artense : le plus étrange plateau qui puisse se voir.

  Peu de régions peuvent être comparées à l’Artense pour l’âpreté, la désolation, le charme vieillot des paysages.
Sur un socle primaire de granit, les basaltes dressent leurs dykes (1), leurs
orgues sombres et, de place en place, des coulées de lave pétrifiées submergent gneiss (2) et schistes (3).
   Les rivières de Rhue et de Dordogne, les torrents de Cabacut, du Torrons, de la Tarentaine, entaillent profondément ce plateau rocheux et s’échappent en grondant par des chutes, des cascades, des gorges noires, sous un dais de sapins tristes.
Pressées entre des forêts dantesques, Algères, Maubert, Gravières, Bois-des-Gardes, les landes se déroulent dans un décor d’abîmes, de cavernes, de rocs, d’eaux écumantes.
Les fougères et les genêts, genévriers et les bruyères, tournent autour des « suqs », des bois inquiétants de fayards et de chênes et cernent une multitude de mares et d’étang rouillés, de lacs tranquilles d’une limpidité d’eau de roche comme celui de la Crégut.

Trémouille

   De pauvres pâtis spongieux, de maigres champs de seigle et de sarrasin rudement ébouriffés par les grands vents sont perdus dans ces solitudes ; ils se cachent derrière les murs de pierres sèches aux mines d’estropiés, sans voir jamais dans les lointains bleutés la silhouette puissante du Mont-Dore et celle hardie du Cantal.
   Les routes et les voies ferrées n’errent pas sur ce plateau inclément et l’Artense, repoussée du monde, conserve en dépit des siècles son immuable physionomie de sauvageonne, rude, ténébreuse comme ces visages des Vierges noires de la primitive Auvergne.

Les villages sont plus que centenaires et il n’est point besoin de lire les dates vénérables, inscrites dans le granit au-dessus des portes, pour en connaître l’âge.
   Depuis toujours, des « charreires » raboteuses, bordées de murs de pierres sèches, de frênes et de noyers, conduisent, de loin en loin, à des hameaux en basalte, grossièrement crépis à la chaux, dont les toits de chaume sont de la couleur des vieilles mousses.

CPA Bagnols puy de dome
Vue de Bagnols.

  
  Les églises romanes, les calvaires de granit aux saints usés par les ans et les croix de bois des missions qui gardent les carrefours, donnent à ce terroir le caractère mystique de quelque continentale Bretagne.
Une race vigoureuse de paysans et de bûcherons, sobre, dure au travail, âpre au gain, violente après boire, hantée encore par d’antiques croyances, vit sur ces terres froides ; loin des villes, elle se conserve pure, indépendante sous un ciel changeant, dans le vent fort du plateau et les fauves parfums des genêts et des fougères.

CPA Larrode

  
  Et dans les villes, c’est vers cet humble coin d’Auvergne, mélancolique et désolé où les choses et les êtres paraissent plus vieux que partout ailleurs, que partent mes regrets.

1) Dykes: filon de roche magmatique recouvrant et remplissant une fissure existante dans d'autres roches.
2) Gneiss : roche métamorphique, contenant du quartz, mica en paillettes.
3) :Schiste : roche  feuilletée, pouvant renfermer du gaz.





Sources : Auvergne littéraire : au pays d’Artense, Léon Gerbe, 1932.
              © Alain-Michel, Regards et Vie d'Auvergne. 
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