La pierre qui Danse.



C’étaient de vieilles tours gothiques
Se cramponnant au flanc des monts.
Des bandits ou mieux des démons
S’abritaient sous leurs murs antiques.
Ils y menaient joyeux déduit,
Tout fiers de leur indépendance.
Or, quand vient Noël, à minuit
On peut voir la pierre qui danse.


La dague au poing et sans scrupule,
Ils allaient pillant au hasard.
Leur seigneur était : Théodard,
Vaillant bandit, fort comme Hercule,
De ces rocs, farouche produit,
Sans aïeux et sans descendance.
Or, quand vient Noël, à minuit
On peut voir la pierre qui danse.

Quand il sortait avec sa horde,
Il ravageait tout le canton,
Et bourgeois et marchands, dit-on,
En vain criaient miséricorde.
Que de filles il séduisit !
Mais il lassa la Providence.
Or, quand vient Noël, à minuit
On peut voir la pierre qui danse.

Un soir de décembre, la bise
Sifflait dans les tours du château.
Les monts avaient leur froid manteau.
Au son des cloches de l’église,
Les manants, quittant leur réduit,
Du Christ, célébraient la naissance.
Or, quand vient Noël, à minuit
On peut voir la pierre qui danse.

Pendant qu’à genoux prosternée
La foule était en oraisons,
Théodart, hurlait des chansons,
Et toute sa troupe damnée,
S’esbaudissant autour d’un muid,
Dansait et buvait sans prudence.
Or, quand vient Noël, à minuit
On peut voir la pierre qui danse.

Tout à coup, la fête est troublée.
Sur le seuil se dresse un vieillard :
« Tremble, dit-il, ô Théodard,
Et toi, criminelle assemblée,
Par Saint-Genest qui me conduit,
Si tu ne fais point pénitence… »
Or, quand vient Noël, à minuit
On peut voir la pierre qui danse.

« Par le diable, assez de prière,
 Homme au froc, répond Théodard.
Aussi vrai, que je suis bâtard,
Tu vas prêcher dans la rivière.
Moine, on me sert ou l’on me fuit.
Tu mourras pour ton imprudence ».
Or, quand vient Noël, à minuit
On peut voir la pierre qui danse.

Le vieillard, redressant la tête,
Étendit gravement la main.
« Malheur à vous ! » dit-il soudain,
Les murs brisés par la tempête,
S’écroulèrent avec grand bruit…
Puis, tout rentra dans le silence.
Or, quand vient Noël, à minuit
On peut voir la pierre qui danse.

De cette infernale demeure,
Il ne resta qu’un gros rocher.
Gardez-vous bien d’en approcher ;

Car, chaque année, à la même heure,
Sous la blanche neige qui luit,
Ce rocher se meut en cadence.
Or, quand vient Noël, à minuit
On peut voir la pierre qui danse.


Source : Poèmes d’Auvergne, Gabriel Marc.
              © Alain-Michel, Regards et Vie d'Auvergne.
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