La Fête du village pour la saint Rémi.


La saint Rémi au village.

 
la Fête au Village Auvergnat
   Au début de l’automne, à la Saint-Rémi, se célèbre la fête du village.
La semaine précédant cet important événement, une fièvre s’empare des maisonnées.
Les enfants rêvent de pâtisserie en ribambelle ; les femmes prennent des airs mystérieux et les hommes, sortant de leur mutisme coutumier, s’enquièrent des projets de leurs compagnes.
Puis, un matin, sans crier gare, la maison si calme est bouleversée. La poussière et la suie des poutres du plafond volent sous le balai ; le papier jauni des murs est arraché ; les araignées surprises délogent de leurs toiles : l’eau de cendres bout dans le chaudron, les femmes lavent, frottent, astiquent, fourbissent et une odeur de colle, de cire et de phénol s’échappe des
demeures.
De son côté, le rétameur ambulant, installé devant ses fourneaux, sous le tilleul, plonge dans le bain d’étain fourchettes, cuillers, louches de fer et leur redonne un éclat éphémère.
Et vers le soir, la maison en parure de fête, proprette comme une vieille endimanchée, s’éclaire d’un sourire tout neuf.
Sur la planchette de la cheminée, les bouteilles bleues, rouges, vertes, aux bouchons de papier frisé, jettent des feux multicolores et les lampes à huiles à trois becs, exhibent des panses aux reflets d’or. La fontaine en cuivre rouge rutile dans un coin et le balancier de l’horloge brille, dans l’ombre, comme un soleil. Des gravures, violentes de tons et représentant les célébrités de l’heure : aviateurs, président de la République, maréchaux ou assassins fameux, ont transformé les murs. La maison est prête  pour la fête!
 
Et voici la veille du grand jour…

   Les ménagères s’enferment dans la chambre où, près de l’alcôve qu’épaulent des sacs de farine, se tient la maie.
Et, lorsqu’elles ressortent, visages et cheveux farinés, mains et bras gantés de pâte, les tartes aux prunes et aux confitures, les « pastis » aux pommes, les couronnes de brioche et de « tome » et les « fougnardes » dans les poêles, s’alignent sur les planches.
Pendant ce temps, les hommes transportent des fagots à l’antique four banal : il dévore un char de bois et son basalte est chaud !
Alors, par les ruelles, défile l’attentive procession des porteuses de gâteaux.
Tout le village est là et les enfants haletants, en équilibre sur les murs, attendent…
la Fête au Village Auvergnat
 
Gustou, le meunier, a fixé, au bout de la longue perche, l’épi de blé ; il le promène dans le four et la chaleur de la voûte ayant grillé à point les barbes, il hoche la tête et dit :
-"On peut enfourner !"
Et les gâteaux, marqués aux signes des pâtissières, glissent de la large pelle de bois, sur les dalles brûlantes.
La porte de fer s’est refermée… Le vieux four moussu exhale des parfums très doux…au bout d’un moment, Gustou entre-baille lentement la porte. L’instant est solennel… les nez gourmands frémissent sous des bouffées grisantes ; une odeur de gâteaux tout chauds s’épand sur le village. C’est bien la Saint-Rémi, cette odeur est unique et notre enfance en reste parfumée !
Les lueurs dorées des croûtes illuminent le four obscur. Les enfants trépignent et les femmes se bousculent pour recevoir, sur les planches, les glorieuses pâtisseries.
Au crépuscule, la parenté des communes environnantes arrive en voiture à ânes. Des hommes lourds, en blouses bleues, aux larges chapeaux de feutre noir et de femmes, amplement enjuponnées, vous assaillent. Les baisers claquent, comme des gifles, sur les joues rouges ; l’air retentit d’exclamations vigoureuses, lancées dans un patois franc. Que voulez-vous, on se voit une fois l’an et demain c’est fête.
   L’aube de la Saint-Rémi n’est pas pareille aux aubes coutumières et on espère avec émoi dans l’ombre de l’alcôve…
Les gamins mi-vêtus sont déjà devant les portes et la première fusée claque en détonnant dans les brumes du matin ; elle éveille les échos des rochers et soulève une furieuse tempête d’abois, de cocoricos, de caquets que renforcent les braiements hilarants des ânes des invités.
Debout, la Saint-Rémi commence !

   Un vrai feu de Saint-Jean flamboie dans la cheminée. Un repas pantagruélique se prépare. Le poulet engraissé depuis des mois au blé noir, est mis à la broche ; le lapin et le morceau de veau mijotent dan les cocottes, sur la braise ; le pot-au-feu écume dans la marmite.
La table massive en chêne, qu’entourent des bancs pleins d’entailles, est recouverte d’une nappe blanche. Les assiettes à fleurs et les verres à facettes sont sortis. La soupière monumentale en faïence trône dans une vapeur blonde.
On se met à table : la Saint-Rémi est commencée !


la Fête au Village Auvergnat

   Carrures de lutteurs, visages ronds, yeux luisants, dents longues sous la rude moustache : voilà les vrais convives des vrais repas des Arvernes. Et on mange, et on boit et on rit et on chante ! Un vin épais déborde des verres, les têtes s’échauffent, on discute avec passion de politique…
Mais les jeunes s’impatientent et, après le dernier gâteau, s’esquivent.
C’est le jour d’étrenner l’habit, les souliers ou le chapeau neufs. Personne n’y manque, car on veut être « fier » pour aller danser !
A l’auberge, sur la route, la cabrette nostalgique, pleure des sons fluets, sur un rythme irrésistible…La bourrée d’ouverture est glissée : les bras s’arrondissent en anses de corbeilles, les jeunes filles semblent filer une invisible laine, les doigts des garçons claquent comme des castagnettes, les pieds frôlent à peine le plancher, puis, brusquement, part un coup de talon sec et les cris éclatent avec des : Hi , fou, fou ! Joyeux.
   Dehors, des hommes orgueilleux de leur force et de leur adresse, lancent la boule pesante et fauchent les quilles avec des enthousiasmes d’enfants.
A l’intérieur, autour des chopines de vin rouge et parmi la fumée des pipes, la manille fait rage, les coups de poing résonnent sur les tapis, les verres dansent, les disputes s’élèvent et puis soudain s’apaisent dans des rires.
La fête se poursuit ainsi toute la nuit. Les fusées sifflent, leurs traînées lumineuses se perdent dans les étoiles. Mais l’aube, sans lendemain se lève.
 Les danseurs abandonnent le plancher infatigable ; quelques manilleurs s’acharnent encore autour d’un tapis crasseux, et les enfants, ivres de bruit et de poudre, lancent un dernier pétard : il explose sans clarté…
 
La Saint-Rémi est finie.





Sources : Au Pays d’Artense, Léon Gerbe, Gallica
                © Alain-Michel, Regards et Vie d'Auvergne.
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