Les "Brandons" d'Auvergne.
Il est une fête particulière à nos montagnes, qui ne correspond à aucune de celles de l’église, et dont l’origine doit remonter à l’occupation Romaine : je veux parler de la fête des Brandons, que célébraient en effet les bergers Romains, d’après un passage des « Géorgiques » et qui se déroule le premier dimanche du carême de la fête Pâques.
Dans la soirée de ce dimanche, toute la montagne se couvre de feux à des distances considérables, et j’ai souvent partagé l’empressement des Clermontois à venir contempler du haut de la Poterne le magique spectacle que représentent ces vives et nombreuses lueurs qui ressemblent de loin à des incendies.
Dans les villages, toute la population tourne en rond, des torches allumées à la main, et avec des chants ou des cris de joie, autour de vastes foyers où brûlent, au milieu d’une épaisse et rouge fumée, des monceaux de paille, de branches de sarment, de bruyère et de genévrier ; le reste de la nuit se passe en danses et en réjouissances.
Le dimanche des Brandons était celui de la quadragésime, premier dimanche du carême de Pâques, on y brûlait aussi un mannequin de paille « le Carmentran » (carême entrant…) On danse, on chante autour, on saute par-dessus le feu en traversant les flammes.
On procède en même temps à la cérémonie des « Grannas-mias ». La « Granno mio »(1) est une torche de paille qu'on emmanche sur une latte de bois plus ou moins longue. Quand le « Figo » est à demi-consumé, les assistants allument à la flamme mourante les « Grannas-mias ».
On les porte à la main et on se rend dans les vergers voisins, dans les champs, les vignes, dans les jardins où sont plantés les arbres fruitiers.
On chante, on crie à tue-tête pendant la marche, la nuit, à la lueur des torches et des étoiles, les paroles suivantes :
« Granno, mo mio,
Granno, mon pouère,
Granno, mo mouère ! »
C’est-à-dire : « Grannus mon ami,
Grannus, mon père,
Grannus, ma mère ! »
On passe les torches ou les brandons allumés sous chaque arbre, on les promène sous les rameaux, entre les branches, en chantant et criant :
« Brando, brandounci,
Tsaque brantso, in plan panei ! »
C’est-à-dire : « Brande, brandon,
Chaque branche un plein panier ! »
Que représente la fête des brandons ? Elle est évidemment les restes d’un ancien culte solaire. C’est donc le soleil, cause pure de chaleur et de fécondité, qu'on célèbre durant la nuit des brandons. Pourquoi cette invocation si curieuse, et le vocatif « Granno mo moi ». Il me semble que nous avons là le commencement d’une prière, d’une invocation au dieu celtique :Grannus (2) qu'on appelle Père et aussi Mère, parce qu'il est à la fois l’un et l’autre pour la : Nature et l’Humanité.
En certains villages, on court à travers champs et on secoue sur les terres ensemencées la cendre des torches allumées. On met aussi cette cendre dans les nids des volailles pour avoir beaucoup d'oeufs dans l'année. Quand la cérémonie nocturne est terminée, tout le monde rentre à la maison. on se met à table et on mange spécialement des beignets et des crêpes.
A La Tourrette, les hommes et surtout les enfants, gagnent les coteaux, les lieux élevés, les vignes hautes avec des torches allumées, criant :
-« Granno mo mio! »
On monte aussi sur les arbres avec des torches allumées à la main.
A Blanzat, on monte les uns après les autres sur le plateau voisin, et chacun porte une brande ou une torche. On descend en procession avec la brande allumée, les uns derrière les autres, et on fait un feu de joie sur la place publique.
A Sayât, on fait de même. On remonte avec des torches au sommet de la côte qui regarde le levant, on redescend en procession, on fait un feu de joie sur la place publique, un feu de joie par quartier, et chacun emporte un peu des cendres du foyer chez soi. Est-ce par économie, la cendre servant aux lessives, est-ce une pratique superstitieuse, cette cendre devant porter bonheur, rendre féconds terres et animaux !...
A Gerzat, a aussi lieu la promenade des « granno mio » ; ce cri :
« granno mo mio »
doit signifier : terre, mon amie, donne beaucoup de récoltes !. Le dimanche des Brandons ou dimanche brandonnier, on fait un mannequin de paille que l’on brûle, pendant que brûle le feu de joie le « figo », on danse, on boit et on saute par-dessus on traverse la flamme, comme pour se purifier.
A Ambert, dans chaque quartier, on fait un feu de joie le dimanche des Brandons. Les enfants vont chercher les jeunes mariées de l’année chez elles. Elles se cachent, mais finissent par venir, on leur fait sauter le feu de joie.
Autrefois, c’était probablement les jeunes gens qui venaient les chercher, elles devaient aussi passer trois fois par les flammes. symbole de la purification par le feu.
A Courpière, au dimanche des Brandons, on fait devant la maison de chaque nouvelle mariée, un feu de joie et on plante aussi une bannière, petit sapin dépouillé de ses branches, et couronné de rubans. Les nouvelles mariées qui n’avaient pas devant leur maison le feu de joie et la bannière, se regardaient comme méprisées. Le feu des Brandons ne peut pas faire de mal, il ne peut incendier.
A Malintrat, le dimanche gras ou des Brandons, on promène et on brûle l’effigie de paille du plus vieux garçon, promenée sur un âne.
1) On dit au singulier: une Granno-mio, et au pluriel: des Grannas-mias.
2) Grannus, Dieu Mercure celtique, invoqué plus tard sous le nom de : Saint Graal.
Sources: Alfred Legoyt, Dr Pommerol, textes divers.
© Alain-Michel, Regards et Vie d'Auvergne.
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