La grande crue de l'Allier de janvier 1889, partie 2 suite et fin.

 La crue de l'Allier, dans la région. 

"La Dépêche" mercredi 2 janvier 1889. Suite et fin.

CPA Brassac le bac sur l'Allier
CPA Brassac le bac sur l'Allier

   Nouveaux détails. Relations de nos rédacteurs. Lettres et dépêches de nos correspondants.


De Vic-le-Comte aux Martres-de-Veyre :

   Nous avons fait hier le trajet de Vic-le-Comte aux Martres, par Sainte-Marguerite, et vraiment c'est un spectacle grandiose dans son horreur que celui de cette rivière en furie entraînant dans ses lames courtes et serrées des arbres entiers, des planches, des amas sans nom, de longs peupliers qui passaient en tournoyant devant nous, comme des monstres marins d'un autre âge.
   Nous sortons de la gare. Un sourd grondement : c'est l'Allier qui se déroule, couvrant d'une immense nappe d'eau jaunâtre les saulaies, les prairies qui bordaient avant hier encore ses deux berges. Sur la rive gauche principalement on aperçoit, émergeant des eaux, des couronnes de saules, des branches de peupliers, etc.

A Sainte-Marguerite :

   Nous arrivons à Sainte-Marguerite. 
   Prévenus depuis la veille, par des télégrammes de Langeac, qu'une crue allait se produire dans la nuit, les propriétaires riverains avaient immédiatement paré au plus pressé et mis à l'abri de l'inondation bétail, chevaux, charrettes, etc. On avait aussi amarré les bateaux de plaisance et fermé quelques ouvertures.
   Vers le milieu de la nuit, l'eau arrivait comme une trombe, et couvrait aussitôt un espace considérable de terrains, formant comme un large bras de l'Allier devant l'hôtel Mandement.
   L'établissement des bains est entouré d'eau de tous côtés, l'ancienne route de Sainte-Marguerite à Mirefleurs, qui longe l'Allier est entièrement inondée, à demi emportée sans doute, et il faut, si l'on veut arriver aux Martres, prendre la nouvelle route de Mirefleurs qui s'élève, taillée à pic, au flanc d'un coteau.
   A cette hauteur, par exemple, le coup d'œil est superbe et terrible à la fois. Jamais de mémoire d'homme, on a vu pareille crue à cette époque de l'année, l'inondation de 1875, en effet, s'est produite au cours de l'été.
   Mais laissons ce spectacle, nous l'allons retrouver d'ailleurs, dans un instant, vu du pont de Mirefleurs.
   Quelques minutes de marche sur un sol détrempé et nous voici de nouveau au bord du torrent.

Au pont de Mirefleurs :

   Dans toute sa longueur, le pont est couvert de curieux, il en est venu de Mirefleurs, des Martres, des domaines voisins. M. le Maire de Mirefleurs, M. l'agent-voyer de Vic-le-Comte sont là en permanence. On regarde l'étiage, il marque, à 4 heures, 2 mètres. La crue, parait-il, est en ce moment stationnaire. Signalée avant-hier à midi, la crue n'a commencé à se faire réellement sentir que vers 2 heures du matin.
   A huit heures, nouvelle dépêche : L'eau augmente d'un mètre en amont, et en effet la rivière grossit sensiblement jusqu'à 3 heures et demie de l'après-midi.
   De même qu'à Sainte-Marguerite, tous les efforts on été faits ici pour mettre les personnes et le bétail en sécurité.
   Au premier signal, les domaines de la grande et de la petite Vore, appartenant à MM. Chauvassaigne et de Murat, ont été évacués, et un bateau conduit sur la rive gauche de la rivière par les soins de MM. Barreyre et Douroux, mariniers. Les autres bateaux de M. Barreyre sont solidement attaché au perron de son hôtel, prêt à tout évènement.
C'est que la situation, pour n'être pas excessivement grave, présente cependant du danger, que la crue augmente encore, ce qui n'est pas impossible, le temps restant toujours incertain, et l'inondation atteindra peut-être les proportions de celle de 1875.
   Cette année là, l'eau arrivait dans les hôtels qui bordent l'Allier du côté de Mirefleurs. 

Sur le pont.

   La foule arrive sans cesse et envahit le pont. Au pied des deux piles principales, le remous est d'une violence inouïe, emporté par le courant, un gros arbre traverse comme une flèche ce dangereux passage et va se perdre au loin, les eaux font un fracas étourdissant.
   La Monne apporte aussi son contingent, son embouchure est là tout près, et ses eaux limoneuses, refoulées par celles plus fortes de l'Allier, envahissent presque et menacent de couper la route des Martres.
   Sur la gauche, entre la station du Cendre et celle des Martres, on distingue, au milieu de l'immense nappe d'eau qui couvre les champs et les prairies, les fermes de la grande et petite Vore dont nous parlons plus haut. Les récoltes de ces deux domaines sont, on le comprend, très compromises, si elles ne sont pas totalement perdues.

Les causes de la crue :

   En résumé, d'où provient cette crue subite ? Des pluies persistantes de ces derniers jours, et aussi, paraît-il, des suites de la fonte des neiges dans la Lozère et dans la Haute-Loire.
En tout cas, on se souviendra longtemps, dans les pays riverains de l'Allier, des 30 et 31 décembre 1888 !

A Brassac, à Jumeaux, d'un de nos reporters :

   Nous avons dit hier qu'à Brassac et à Jumeaux l'eau avait envahit quelques maisons situées sur les rives. Le fait est exact. Brassaget  à été inondé.
   Au Théron, village placé en amont d'Auzat-sur-Allier, les maisons avaient plusieurs centimètres d'eau.
   Aujourd'hui encore, la route de Jumeaux au Saut-du-Loup est coupée. Il y a près de deux mètres d'eau d'Auzat-sur-Allier au château dit du "Cocu". Les dégâts seront énormes.
   A 500 mètres de Brassac, une famille tout entière a couru, un instant, les plus grands dangers. L'eau entourait déjà la maison à la hauteur de plus d'un mètre. Les gendarmes s'y sont rendus en bateau, mais ils n'ont pu décider ces gens à abandonner leur abri ni leurs biens. Leur obstination, si une nouvelle crue s'était produite, aurait pu cependant leur coûter cher. 
   L'Allagnon coule aussi à pleins bords. Il neige au Lioran.

Correspondance de Saint-Germain-Lembron :

   L'Allier augmente toujours de manière effrayante. Les plaines de Jumeaux, d'Orsonnette et du Breuil-sur-Allier sont totalement envahies. Les eaux bourbeuses et moutonnantes charrient des débris de toutes sortes, elles lèchent déjà les maisons des trois communes désignées ci-dessus. Des dégâts ont été signalés. Les riverains sont dans une grande frayeur, facile à comprendre du reste. On espère toujours que cette crue va s'arrêter.

Lettre de Maringues, 31 décembre :

   Dans la journée de dimanche et une partie de la journée de lundi l'Allier a débordé. Dimanche, dans la soirée, un gendarme a parcouru les villages riverains recommandant aux habitants de retirer du rivage les objets susceptibles d'être emportés par les eaux, qu'une crue de 3 mètres arrivait.
Près du Pont de Crevant, l'eau a envahi la route et menace de la couper.
On ne signale pas d'accident de personne, mais les dégâts occasionnés par l'inondation sont considérables.



Source : texte extrait du Journal quotidien régional La Dépêche du Puy-de-Dôme 1889.



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