Les paysans d'Auvergne en colère, les troubles de Clermont de 1841.

 Troubles de Clermont.

Place saint-Hérem, Clermont-Ferrand
Place Saint-Hérem, Clermont-Ferrand.

   A Clermont, comme dans toutes les régions de France, les impôts, taxes, l'octroi et les droits réunis exaspèrent le peuple, en 1841 la colère éclate avec violence. Bonne lecture chers abonnés. 

On lit dans le Messager :
   " L'opération du recensement commença le 9 à Clermont, vers huit heures, dans l'intérieur de la ville. Presque tous les habitants s'empressaient d'ouvrir leurs portes, mais sur la place Saint-Hérem, place voisine de l'Hôtel-de-Ville, des rassemblements ne tardèrent pas à se former et poursuivirent à coups de pierres les agents des contributions et les délégués de la mairie. Quelques arrestations eurent lieu.
   A une heure, le recensement fut repris et continué en présence des groupes nombreux qui voulaient s'y opposer. Il ne cessa qu'à cinq heures, lorsque le quartier qu'on avait entrepris fut terminé.
   Pendant l'opération, plusieurs individus signalés comme les plus provocateurs avaient été arrêtés. Une députation composée de jeunes gens vint demander au préfet la mise en liberté des individus arrêtés, et qui, disaient-ils, étaient innocents. Le préfet répondit que l'instruction judiciaire se ferait, et que si, en effet, ces individus avaient été arrêtés par erreur, la justice les mettrait en liberté.
   Lorsque les groupes connurent cette décision, ils s'avancèrent sur la troupe et l'assaillirent d'une grêle de pierres. Toutes les exhortations du préfet et celles des généraux Gérard et Bastoul furent inutiles. Plusieurs officiers et plusieurs soldats furent blessés, quelques-uns grièvement.
   Les sommations furent faites. Un peloton chargea ses armes. Cette démonstration, loin d'intimider les groupes, ne fit que les rendre plus audacieux. Les pierres pleuvaient sur les militaires et en blessaient un grand nombre. Une décharge fut faite. Trois des perturbateurs furent frappés à mort, sep ou huit blessés. Les rassemblements se dispersèrent sur-le-champ. La place fut vide en un instant.
   Pendant que ces événements se passaient, un groupe s'était porté dans les magasins de deux armuriers, avaient enlevé des fusils. Un autre groupe avait formé des barricades dans les rues étroites. Elles furent enlevées sans résistance. La nuit se passa assez paisiblement.
Le 10, au matin, les rassemblements se formèrent beaucoup plus nombreux, des barricades furent faites, et, à six heures, les troupes furent attaqués à coups de fusil. Quatre soldats ont été tués, quinze ou seize ont été blessés, les séditieux, de leur côté, ont essuyé beaucoup de pertes.
   A huit heures, le feu avait cessé, mais un groupe se porta à la maison du maire et la dévasta entièrement.
C'est ce jour là que le courrier ne put prendre les dépêches.
   La journée du 11 fut entièrement calme. Les patrouilles n'ont pas cessé de parcourir la ville dans tous les sens et ont détruit les barricades."

Le Messager publie ensuite ce qui suit :

   "Une dépêche télégraphique de Clermont du 12, arrivée aujourd'hui à six heures, annonce que l'autorité était maîtresse de la ville. Des patrouilles la parcouraient dans tous les sens, mais les villages d'Aubières et de Beaumont étaient toujours en armes. On attendait des renforts pour achever la défaite de la sédition.
   Le 12, à dix heures du matin, une bande de séditieux s'est portée sur la place de Jaude à la maison du maire dont le mobilier avait été brulé et pillé la veille. Elle commençait à la démolir et à l'incendier. La maison a été cernée, huit des incendiaires ont été pris, les autres sont parvenus à s'évader par les jardins extérieurs."

   Voici sur les troubles de Clermont-Ferrand, et du pays environnant, des détails qu'une correspondance particulière fournit à "La Gazette de France " :

   "Les insurgés, après avoir brisé les barrières, dévasté et démoli les bâtiments de l'octroi, brûlé les registres, etc..., se sont emparés de toutes les cloches, à l'exception de celle de la Cathédrale, et ont sonné le tocsin.
   Dans la nuit du 12, les habitants de Riom ont désarmé un poste de seize hommes, brisé les barrières, et, maîtres du bourg, l'ont barricadé. Entre Riom et Clermont, au point nommé La Maison Rouge, la route est interceptée par un détachement d'insurgés. Hier, la garde nationale s'est organisée. Les insurgés ont apportés des campagnes leurs faux, leurs pioches, et jusqu'à des socs de charrue.
   Les habitants du pays disent que les Auvergnats sont lents à se fâcher, mais qu'ils ne se calment pas aisément, ils n'aiment pas les droits-réunis (1), les octrois et les collecteurs. On cite plusieurs localités qui ne sont pas exercées depuis 1830.
Inutile de dire qu'il y a eu des morts et des blessés des deux côtés, l'artillerie la plus rapprochée est à Bourges. 
   Tous les magasins sont fermés et pas un réverbère n'est resté intact. Montferrand, gros bourg à un quart de lieue de Clermont, est occupé par les insurgés, ils commandent la route d'Issoire. Les brigades de gendarmerie se concentrent vers Clermont. Des chantiers ont été brûlés à Riom. On s'est battu sur la place de la Cathédrale."

Lyon, 12 septembre :

   "Les nouvelles de Clermont sont de la plus affligeante gravité. Non seulement les appartements particuliers du maire, mais encore les différents bureaux auraient  été saccagés.
Tous les registres de l'état-civil auraient brulés ou lacérés.
   Les mobiliers de la mairie et du maire ont été transportés et brulés sur la voie publique.
D'autres groupes se seraient aussi portés à la préfecture, mais sans pouvoir y pénétrer. L'autorité militaire a pu enfin prendre des mesures énergiques, et deux pièces de canons chargées à mitraille ont balayé la rue dans laquelle l'émeute était la plus menaçante."

On lit dans le Courrier de Lyon du 14 :

    "Resté maîtres de la ville (le 10) les paysans se sont livrés aux actes de dévastations que nous avons signalés.
   On ajoutait que les campagnards avaient tenté contre la garnison qui s'était retirée dans la partie haute de la ville, plusieurs attaques infructueuses, dans lesquelles ils avaient perdu un assez grand nombre d'hommes, que, rebuté de ces tentatives inutiles, ils avaient entrepris de vaincre la troupe de ligne par la faim et par la soif.
   Dans ce but, ils auraient établi des postes chez les boulangers, afin de les empêcher d'envoyer du pain dans la partie haute de la ville, et auraient même manifesté l'intention de couper les aqueducs qui y conduisent l'eau nécessaire à l'alimentation publique.
   Enfin, après quarante huit heures de désordres, de pillage et de dévastation, les campagnards ont abandonné la ville dans la nuit du samedi au dimanche. La troupe a repris toutes les positions qu'elle avait d'abord évacués, et l'ordre s'est retrouvé ainsi rétabli."

   Le Censeur de Paris dit que près de cent personnes ont été tuées ou blessées par la mitraille, et que les habitants des villages voisins se sont mêlés aux rassemblements de Clermont.
   D'après des lettres de Clermont, citées par Le National, l'insurrection aurait aussi éclaté à Riom, où les troupes auraient été repoussées.

   Une dépêche télégraphique de Clermont, adressée au ministère de l'intérieur par le préfet du Puy-de-Dôme, le 13 à neuf heures du soir, et arrivé à Paris le 14, à six heures du soir, annonce que l'ordre est rétabli, que la force armée occupe tous les postes de la ville, et que la perception des droits aux barrières est rétablie. (Moniteur)

   Cette dépêche ne parle pas des insurgés qui, d'après la dépêche télégraphique du 11, occupaient encore les villages d'Aubières et de Beaumont. Nous remarquons d'un autre côté que, d'après les journaux de Lyon, les insurgé n'avaient point été repoussés et dispersés par la troupe, et qu'ils avaient abandonné volontairement Clermont.

   P.S. Il parait, d'après des lettres reçues par Le National, que les malheurs que l'on a à déplorer à Clermont, ne sont pas aussi grands qu'on l'avait craint d'abord, le nombre des morts et blessés n'en est pas moins de soixante, mais la mairie n'a pas été saccagée, les registres de l'Etat-Civil n'ont pas été détruits, le canon n'a pas joué dans les rues, ce sont là des inventions ministérielles, comme si il n'y avait pas assez d'évènement déplorables sans ceux-là !

1) Les  droits réunis : c'est une loi de 1804, sous Napoléon Bonaparte, imposant une taxe (impôt) sur beaucoup de produits de consommation courantes, comme on dit aujourd'hui, le sel, le vin, le tabac, les produits de la ferme, les charrettes, en plus des octrois et taxes sur les  portes et fenêtres grâce du grand recensement public. Cette loi déclencha la colère des Français, plus tard les Bourbons promirent de les "délivrer" en la supprimant, mais, une fois à la tête du pays, ils oublient leur promesse ! Plus tard les "droits réunis" furent supprimés pour mettre en place ... les contributions indirectes !


Source : texte extrait du "Courrier de la Moselle" 18 septembre 1841©  Regards et Vie d'Auvergne. N'hésitez pas à laisser un commentaire ou à vous abonner aux publications du blog, au bas des articles. Merci de votre visite et à bientôt. 


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