Rassemblement séditieux et destruction d'Arbre de la Liberté à Châteaugay.
Châteaugay, Puy-de-Dôme. |
30 Brumaire en VI (20 novembre 1797).
Le gouvernement directorial était arrivé, en l'an VI, à l'une de ces crises d'affolement où le pouvoir dissimule sa faiblesse derrière la violence et croit se montrer fort en se montrant brutal. Il imposait à la Justice des rigueurs surannées peu en harmonie avec le diapason des mœurs.
La Justice s'inclinait, mais nous aimons à reconnaître que souvent elle ne se montra servilement féroce que par "contumace ".
C'est ainsi qu'elle prononça, par défaut, quatre condamnations à mort dans les futiles circonstances que voici :
En Auvergne, dans toute la région du vignoble, le paysan a conservé de temps immémorial, l'habitude, le dimanche surtout, de faire "quatre heures". On se réunit dans un cuvage ou sur les escaliers d'une cave, on vide des pichets, en cassant une croûte, on en vide même beaucoup, et plus on boit, plus on cause, plus on s'anime.
Le 4 prairial an VI, le dimanche avant la saint-Amable (vieux style), plusieurs jeunes gens de Châteaugay avaient fait ensemble quatre heures et les avaient copieusement mouillées. Ils
conçurent l'idée de terminer la fête par une bonne farce en allant abattre l'Arbre de la Liberté pourri et rabougri, planté sur la place dite de l'Oranger, en face de la ci-devant maison commune.
Un attroupement considérable s'était réuni autour d'eux pour assister à la "rigolade".
Les jeunes gens ébranlèrent d'abord l'arbre par de fortes secousses, mais n'ayant pu le renverser, ils empruntèrent à un maréchal-ferrand un coupereau dont ils se servirent tour à tour pour l'entailler. Puis, comme le travail n'allait pas assez vite, ils remplacèrent le coupereau par une hache qui eut bientôt achevé la besogne. La chute de l'arbre excita parmi la foule des cris de joie et fut le signal de danses joyeuses.
Les habitants de Châteaugay n'étaient pas fanatiques de la Liberté Républicaine, ni de son arbre, aussi l’événement ne fit-il pas grand bruit sur le moment, et l'autorité ne songea-t-elle pas à s'en émouvoir. Mais bientôt des dénonciations adressées à Riom, et la crainte de devenir suspects, contraignirent le citoyen Deuil, agent, et son adjoint Brunel, à dresser du fait un procès-verbal sommaire qui porte la date du 25 prairial.
Les principaux coupables désignés étaient :
1) Michel Pommier, natif de Chapdes-Beaufort, domestique chez le citoyen Boudol, percepteur. (C'est lui qui avait le mieux travaillé).
2) Jean Boucheix, fils de Clément, cultivateur.
3) Julien Mège, maréchal-ferrand, 36 ans.
4) Michel Philippe, cultivateur, âgé de 20 ans environ,
5) Jean Tailhandier, fils de Pierre, 23 ans, cultivateur,
Tous habitants de Châteaugay.
L'information ouverte contre ces cinq prévenus par les soins de Gilbert Rougier, directeur du jury de l'arrondissement de Riom, fit dégénérer, sous la pression du pouvoir exécutif, le fait relativement anodin dont ils s'étaient rendus coupables :
1° " En une rébellion à l'acte d'une autorité constituée, en coupant l'Arbre de la Liberté planté par la ci-devant municipalité de Châteaugay "
2° " En une révolte contre le gouvernement républicain, en un crime contre-révolutionnaire, attentatoire à la souveraineté du peuple et la Liberté, en détruisant le signe vivant de cette même Liberté "
3° " Enfin, en un complot tendant à troubler la République par une guerre civile dont les sus-nommés donnaient le signal par leur attroupement et leur manœuvre."
Accablés sous le poids d'aussi lourdes et formidables réquisitions, les quatre premiers prévenus, qui, d'ailleurs, s'étaient abstenus de comparaître devant leurs juges, furent condamnés le 20 novembre 1797, à "la peine de mort".
Siègeaient : Prévost, président, Mandet, Chapsal, Mioche et Parade, juges.
Seul Tailhandier, ayant à peu près justifié d'un alibi, bénéficia d'une déclaration de non-lieu du jury d'accusation.
Mais que l'on se rassure, c'est à peine si les condamnés s'éclipsèrent prudemment durant quelque temps. Deux arrêts du Tribunal criminel, l'un du 22 germinal an X, l'autre du 24 brumaire en XI, réformèrent la sentence capitale prononcée contre Michel Philippe, Julien Mège et Jean Boucheix, et les déclarants acquittés, attendu, dit la sentence :
" Que le rassemblement formé à Châteaugay n'était pas séditieux, qu'il n'était pas constant que l'Arbre de la Liberté eût été coupé et que les prévenus n'étaient pas convaincus d'avoir fait partie du rassemblement."
Les trois condamnés en furent quittes pour garder la prison durant une décade pour avoir, en prenant la fuite " Paru douter de la justice de leurs concitoyens. "
Sources : Le Tribunal Criminel du Puy-de-Dôme. Marc de Vissac.
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