Ambert, l’église Saint-Jean, des fondations au clocher.
Eglise saint Jean d'Ambert, Puy-de-Dôme. |
En général, les gens pensent qu’en Auvergne les églises sont noires et
salles, réactions naturelles, car taillées souvent dans la lave grise locale
de Volvic, voici pourtant un parfait exemple du contraire, un monument digne
des plus grandes villes. L’église Saint-Jean d’Ambert dans le
Puy-de-Dôme, magnifique par ses proportions et son élégance
lumineuse, attire le regard comme une perle de granite.
Le texte qui suit et tiré d’un ouvrage assez ancien de l’abbé E.
Desribes : « Histoire de l’église d’Ambert en Livradois
(1874) ».
(Afin d’en faciliter la lecture et la compréhension, mais surtout
l’adapter aux exigences et limites de ce blog, seuls des extraits sont
relatés. La rédaction)
La première, peu considérable, n’était qu’une chapelle à Notre-Dame,
et finit par tomber en ruines.
La seconde, véritable église paroissiale, et placée sous le vocable
de Saint-Jean, remontait à une époque très reculée, peut-être même à
la propagation de la foi chrétienne dans le pays…On en conserve encore des
restes assez remarquables, où le style Roman se révèle avec des
détails et des symboles très curieux.
Cette église qui était basse, massive, construite en bois, selon le mode
antique et national devint bientôt insuffisante pour le nombre de
paroissiens considérablement accru.
Le moment désiré par tous était donc venu, on allait voir se réaliser dans
la ville d’Ambert, le spectacle édifiant d’une nouvelle église aux
vastes proportions.
Et comme il est dit dans le projet d’exécution tracé par les
contemporains,
« Les habitants, pour remercier Dieu de sa bénédiction sur leurs terres et
leur commerce, firent dessein et entreprise de construire une église à
l’instar de la grande Notre-Dame de Paris. » Dans le même plan on ajoute :
« Quand le temple sera en sa perfection, il deviendra le premier, ou au
moins le second de la province d’Auvergne…Il aura 32 colonnes de 60 pieds,
avec huit chapelles et sacristie ; un grand et solide Remenclari, où
seront enfermés les trésors, reliquaires, objets précieux gardés avec
chaînes, serrures et porte de fer. On y verra grandes et belles fenêtres,
et, sur une d’icelles plus grande encore, un jugement dernier sera
présenté en vitres brillantes comme l’arc-en-ciel des airs…Enfin trois
grands « clochiers » avec galeries, balustres, cordons et armes
du Roy et de la ville ».
C’est donc à la fin du XVème siècle que la piété publique dans le
Livradois se mit à l’œuvre pour « bastir son temple en recognoissance à Dieu de la bonification des
héritages du païs, en suite d’années de grand travail. »
Et le 9 avril 1471, fut posée la première pierre de l’église.
Qu’on se figure ce grand nombre d’ouvriers accourus de toutes parts, tous
enfants du Livradois, réclamant à l’envi l’honneur de participer à
cette croisade de patriotique dévouement. Que de durs et pénibles travaux,
que de privations et de sacrifices ils vont s’imposer à partir de ce jour où
la première pellée de terre fut remuée pour devenir une poussière
sacrée !
Les voilà donc, ces chers aïeux, devenus les ouvriers du Seigneur ;
les voilà armés de longues pioches, munis de lourds chariots, creusant déjà,
creusant longtemps des fossés qui devront être larges et profonds : «Car le monument sera tout de granit et s’élèvera à une hauteur
prodigieuse » les voilà plongés dans l’humidité et la boue, ouvrant d’énormes tranchées
à huit mètres de profondeur. Ah ! Que de découragements secrets
peut-être, lorsque, après une longue et dure journée de quinze heures, ces
travailleurs se retiraient, pour le plus grand nombre, dans les pauvres et
chétives maisons de la partie vieille de la ville surnommée si
piteusement «Ambert-le-Sale ! »
Voici en quelles conditions de vie ils vivaient :
« Les travailleurs de Saint-Jean gagnaient sans doute quelques
livres d’argent et plusieurs mailles et piches en chaque jour mais ils
solvoient en semaine l’équivalent de vingt sols de notre monnaie, en une
hôtellerie sise au bas de la rue du Château (maison Midroit), moyennant
quoy ils étaient couchés et on leur trempait la soupe trois fois par
jour ».
Et, au milieu de cette pénible et sobre vie, quel esprit de foi, quelle
soumission à la discipline de l’Eglise ! Car il est dit
que « On leur offrait la soupe, ou simplement au sel et au beurre, ou bien à la
graisse et viande selon les jours maigres et gras. Que ce spectacle
réjouissait le ciel ! »
En attendant, admirons le courage si héroïque et si chrétien de nos pères,
dans l’immense apprêt des matériaux de toute sorte, et surtout des blocs de
granit qui vont composer le monument, apprêt grandement difficile
« Tant par la rudesse de la pierre taillée y employée que pour
l’incommodité des chemins, pour l’avoir conduite à travers champs, de
trois ou quatre lieux loing ; et jointe ensemble la pauvreté du pays,
car, pour telle entreprise, les habitants ne furent aydés aucugnement, ni
du Roy, prince, évesque, seigneur quelconque, ains de leur seul charité et
dévotion »
Tous, ouvriers, conducteurs et architectes, se dévouèrent avec
la plus courageuse persévérance pendant six ans pour conduire leurs travaux,
des fondations jusqu’au portail, et pendant près de quarante ans pour élever
la construction jusqu’au sommet de la voûte. Ainsi l’indiquent les vers ou
plutôt les trois inscriptions gravées en lettres gothiques : l’une sur
le trumeau de droite, l’autre sur le trumeau de gauche du portail de
l’église, et la troisième enfin incrustée dans le mur à côté.
« Des biens donnés par le commun,
Mil quatre cent septante-un, (1471)
Neuf vième d’avril, feut mise en terre
De ce temple la première piarre »
« Lorsque la terre si fort triblait (tremblait)
Et que le monde en date comptait
Mil quatre cent septante-sept, (1477)
Ce portail’cy commensait. »
« L’an de grâce de Jésus –Christ
Mil cinq cent et dix-huit, (1518)
Septième d’aoust feut mise
La dernière piarre de cette église. »
Les constructions furent alors interrompues, et probablement
jusqu’après les désastres du Roi de France, en 1525.
(Ndlr: une grande partie des fonds collectés pour la construction furent
distraits et versés dans les caisses du trésor royal pour payer la rançon du
dauphin et d’Henry de France détenus en Espagne… Plus tard, un jubilé
fut ouvert pour toutes les paroisses du Livradois : à cette
occasion un tronc à trois serrures fut conduit partout dans le pays et
au-delà pour y collectés de nouveau fond afin de reprendre les
travaux )
Aussitôt semble-t-il, le clocher a été entrepris et conduit
d’abord à la moitié de sa hauteur, jusqu’à un point où nous distinguerons
plus tard un changement de style.
Mais tournons-nous vers le bâtiment, examinons le d’abord à l’extérieur. On
distingue trois entrées : l’une au nord, l’autre au couchant, et la
troisième au midi.
La première au nord est entièrement dépourvue d’ornementation. Cette
porte est encore surmontée d’une aiguille verticale, en forme de pédicule,
destinée à recevoir une statue.
La seconde entrée, au couchant, est ordinairement la
principale comme étant à l’axe de l’église, et apparaît partout ailleurs
plus magnifiquement ornée que les portes latérales placées aux extrémités du
transept ; A Ambert, elle n’offre presque pas de décorations,
sauf une voussure assez profonde dont les arcs reposent sur des colonnettes
ayant à leur petit chapiteau des feuilles d’acanthe, de chêne, de chou
frisé. Trois grandes fenêtres occupent la largeur de la façade. Celles des
côtés, d’une hauteur de vingt-cinq pieds, s’élèvent entre les deux
contreforts de droite et ceux de gauche, et éclairent les nefs latérales,
celle du milieu dans l’axe de la porte, beaucoup plus large, à trois
divisions verticales, éclaire la grande nef et est dominée par un grand
arceau ogival dont le sommet va atteindre une tribune extérieure. Cette
entrée a deux grands battants, qui s’ouvrent et retombent sur un pilier
central. Au-dessus de ce pilier s’élevait, sur un grand modèle, la statue en
granit de Saint-Jean-Baptiste, patron de l’église.
Enfin, l’entrée méridionale, surmontée d’une grande rosace aux
douze lobes, se terminant au centre par une petite rose à quatre
compartiments ; et le tout, rosace et portique, est couronné d’un
pignon garni de crochets, et s’élevant avec grâce au-dessus des balustrades
du grand comble, en forme de pyramide triangulaire à jour.
Comme on le voit, dans cette façade, les plus grands ornements furent
réservés à cette magnifique entrée où la pierre semble n’avoir opposé aucune
résistance aux moindres inspirations du sculpteur. Aussi quelle impression
devant ce portique ! Et quel effet grandiose digne de la majesté du
monument.
Enfin, aux divers couronnement de l’édifice, on distingue, saillantes et
légères, de nombreuses gargouilles, servant à l’écoulement des eaux
pluviales et dont le symbole fut toujours si frappant. Monstres et chimères
de toute sorte, horriblement contournés, hérissant tous les angles et
rebords du monument. Parmi les gouttières sculptées, on aperçoit des lions,
des sphinx, des griffons, et surtout la très belle salamandre de
François 1er, qui s’élance, furieuse, d’une arête du clocher.
Le clocher : étudions maintenant ce grand objet, orgueil de notre
ville. C’est d’abord une tour carrée, bâtie en granit de nos montagnes
voisines. Le clocher se dresse, imposant, à droite de la façade occidentale,
comme le gardien séculaire du monument. Il est soutenu à chaque angle par
deux contreforts en pilastres rectangulaires, lesquels sont décorés, sur
toute la hauteur, de fleurons gothiques dans la partie inférieure, de
fleurons composites ou Toscans à la partie supérieure. Couronnés par
huit obélisques très-élancés, ces contreforts sont gracieusement coupés à
des points égaux par trois cordons formant revers d’eau et indiquant les
retraites ou diminutions successives.
Mais constatons ici un fait déjà annoncé. Au milieu du XVIe siècle, le mépris de ce
qu’on appelait alors le « goût gothique », fit qu’on
négligea la méthode si logique et si précieuse des restaurations antiques.
On vit trop souvent que, lorsqu’un édifice menaçait ruine, ou qu’il était
incomplet dans l’une de ses parties, on y appliquait sans scrupule des
raccords, ou même des constructions entières dans le « goût Italien ou Roman ». Or voilà ce qui eut lieu pour le clocher d’Ambert :
à partir de la seconde galerie, on distingue la « soudure » la
plus parfaite des deux ordres. Là, l’ogive laisse la victoire définitive à
la Renaissance. Aussi, à la
hauteur de l’emplacement des cloches, s’ouvrent déjà, et sur les quatre
faces du clocher, de grande fenêtres géminées, à anse de panier, et ornées
dans le style Roman. Et, de tout côté, l’ordre ionique et Corinthien
appelle ici l’attention. Il s’y montre sur des pilastres avec colonnes
saillantes, à piédestal, fût, entablement. Sur les frises et piédestaux à
caissons sont sculptés diverses figures de personnages, parmi lesquelles
on signale et on reconnaît facilement le profil de Léon X avec la calotte dite
« Clémentine », la physionomie de
François 1er, dont les traits de la toque sont devenus historiques.
Les corniches et tous les autres couronnement du clocher, en dehors des
obélisques, sont surmontés de vases en forme de flacons et d’un galbe le
plus élégant.
Enfin, de la troisième terrasse, ou dernière galerie, à l’angle sud-est,
s’élève encore la tour de l’horloge. Munie de plusieurs gargouilles, elle
est ronde, et mesure 1m90 de diamètre, sur 14 m de haut. La hauteur du
clocher est de 50m.
La voilà
cette flèche aérienne qui porte, à travers les nues, jusqu’à la plus
sereine région du ciel,
la prière et l’espérance des cœurs chrétiens du
Livradois !
Comme on le voit l’ogive est le cachet dominant de tout l’édifice, malgré
de nombreuses irrégularités, de fréquents mélanges et une bizarre superposition de styles !
C’est donc à l’élargissement des ouvertures, aux minutieux détails des
piliers, à l’abondance des figures symboliques, aux innombrables faisceaux de nervures saillantes et de
colonnes sans chapiteaux, qu’on distingue, ici, les caractères de la
troisième période Gothique. Voilà pourquoi, au simple aspect
extérieur, on n’hésite pas à classer l’ensemble de l’église
Saint-Jean comme un type remarquable du style ogival tertiaire ou
flamboyant ; réservant toutefois la partie supérieure du clocher, et
quelques autres constructions secondaires et postérieures, à la première
période de la Renaissance..
( Fin de citation.)
Source : Histoire de l'église d'Ambert en Livradois, E. Desribes,
1874.
© Alain-Michel, Regards et Vie d'Auvergne.
Le blog de ceux qui aiment
l'Auvergne, et de ceux qui ne la connaissent pas.
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