L'Auvergne sous la Révolution, propos anti révolutionnaires à saint Amant-Tallende.


Saint Amant-Tallende.

Saint Amant-Tallende.
À cette époque trouble,  il se passait de drôles de choses dans les petites rues de cette bourgade Auvergnate. 

   L'histoire de Georges Gourdon, cultivateur à Saint Amant-Tallende, inculpé de propos anti révolutionnaires, serait une histoire des plus vulgaires, si elle ne s'était, au moment décisif, compliquée d'un incident qui prouve que la rouerie n'est pas d'invention récente et que de tout le temps certains esprits ont aimé à pêcher en eau trouble.

 Le 22 floréal an VII ( 11 mai 1799)

   Le 17 brumaire an VI, une femme, la nommée Marie Senecteyre, belle-fille d'un sieur Ligier Senecteyre, dit "Sans-Quartier", se présentait au bureau du citoyen J. Jactz, commissaire près le Directoire du canton, et racontait que la veille au soir,
pendant qu'elle faisait la soupe, elle avait entendu dans la rue un grand tapage. C'était un homme qui criait à tue-tête :

" A bas la République ! Je ch... sur la tête de la République et des Républicains ! "

   Et autres aménités du même genre. Elle était sortie, et, à sa grande stupéfaction, elle avait reconnu le sieur Georges Gourdon.
   Il fallait que l'indignation de la plaignante eût été bien vive, car le coupable dénoncé n'était autre que... son cousin germain.
   Comme bien on pense, le directeur du jury ouvrit de suite une information et entendit des témoins, notamment un sieur Gal Sinclasse, dit Delardion, et un nommé Guillaume Bouche, dit Poustou. Les déclarations de ces témoins établissaient très nettement que Gourdon était un querelleur, habitué à ses sortes de manifestations inciviques, et :

   " Qu'il touchait de ces Messieurs un traitement mensuel pour insulter le Gouvernement et les mangeurs de tripes. "

  Naturellement, le juge instructeur lança un mandat d'arrêt qui ne put être exécuté, parce que, paraît-il, l'accusé travaillait aux vignes. Le jury d'accusation déclara qu'il y avait lieu de le traduire devant le Tribunal Criminel.
   Un incident de procédure retarda la date de l'audience du Tribunal, qui ne se réunit pour statuer sur cette affaire que le 22 floréal an VII.
   Mais, à ce moment, le directeur du jury, le citoyen Mioche, adressa au président Monestier des documents qui jetaient sur l'affaire un jour nouveau.
   C'était un dossier correctionnel d'où il résultait que, le 16 brumaire an VI, jour du prétendu délit, le sieur Senecteyre "Sans-Quartier", brouillé avec la famille Gourdon, avait, en compagnie de Sinclasse et de Bouche, attendu au coin de sa rue, Georges Gourdon et sa soeur Anne, et qu'ils avaient lardé de coups de sabre les deux malheureux qu'ils avaient laissés pour morts. Une plainte avait été formulée contre eux par les victimes, et le Tribunal correctionnel d'Ambert avait, le 22 thermidor suivant, condamné deux des agresseurs, Sans-Quartier et Bouche, à 150 francs chacun, à quatre mois de prison et à des dommages-intérêts.
   La lettre du citoyen Mioche, jointe à l'envoi du dossier, contenait de passage digne d'éloges :

" J'aime bien la République et les Républicains, mais j'ai en horreur le crime."

   Pour assassiner judiciairement celui qu'ils n'avaient pu tuer sur le champ de bataille, les Senecteyre ont, le lendemain, dénoncé Gourdon pour des propos tenus contre le Gouvernement. On a fait jouer à la gendresse de Senecteyre le rôle de dénonciatrice et à deux des assaillants le rôle de témoins.

   A vous de voir dans votre sagesse si cette dénonciation est civique ou incivique, si cet acte mérite vos éloges ou votre indignation ...
   L'accusé fut acquitté.



Sources : texte : Le Tribunal criminel du Puy-de-Dôme, Marc de Vissac.
                Photos : © regardsetviedauvergne.fr


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